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Entretien. Jules Roy par Guy Degas
L'Algérie au cœur
Publié dans El Watan le 13 - 09 - 2007

Ami de Jules Roy, grand connaisseur de son œuvre, Guy Degas*, professeur de littérature à l'université de Montpellier, est chargé de la coordination du centenaire.
Pouvez-vous nous parler du centenaire Jules Roy ?
Jules Roy, né le 22 octobre 1907 à Rovigo (aujourd'hui Sidi Moussa), dans la Mitidja, est décédé à Vézelay le 15 juin 2000. A l'initiative d'une association du centenaire, présidée par son fils, le docteur Jean-Louis Roy, nous sommes parvenus à faire inscrire cet anniversaire au prestigieux calendrier des célébrations nationales, aux côtés du centenaire de René Char ou du tricentenaire de Vauban. Bien sûr, nous ne disposons pas des mêmes moyens ! Mais suffisamment toutefois, pour honorer de manière décente celui dont nous entendons, non pas perpétuer, mais faire perdurer un peu la mémoire. Un programme important de manifestations et publications est prévu autant en France qu'en Algérie.
Jules Roy fait partie de ceux qui sont aujourd'hui un peu oubliés...
C'est exact, dans la mémoire algéro-française en train de se retisser, des personnalités très intéressantes, comme Jules Roy ou Emmanuel Roblès, sont restées dans l'ombre de Camus, sans que l'on sache trop pourquoi, et cela a beaucoup compté dans notre décision d'organiser ce centenaire et de le célébrer sur les deux rives. Jules Roy est l'enfant adultérin de l'épouse du gendarme Roy et de l'instituteur Dematons. Après que son « père » l'eut renvoyé, en même temps que sa mère, du domicile familial, il fut élevé à Sidi Moussa, dans la ferme de ses grands-parents, les Pâris, petits colons de la Mitidja. Est-ce dû à ses origines modestes ? Ou au sentiment de sa bâtardise ? Toujours est-il,que Jules Roy est incontestablement de tous les intellectuels français, originaires d'Algérie, celui que toucha le plus le drame algéro-français, celui qui, par la suite, resta le plus proche, et jusqu'à sa mort, le plus attentif et critique témoin du devenir de l'Algérie indépendante. Autre forme d'écartèlement en lui : deux vocations contradictoires, l'action et un détachement aventureux, d'une part la contemplation et l'amour du terroir, par ailleurs. Ce qui fit tour à tour de lui un séminariste, puis un militaire ; mais toujours animé des mêmes valeurs et des mêmes révoltes : à l'armée, il entra comme on entre en religion, mais c'est la rage au cœur et le poing tendu vers le ciel qu'il la quitta.
Parlez-nous de ce voyage de 1960, qui inspira La Guerre d'Algérie ?
En 1953, après un voyage en Indochine qui lui avait ouvert les yeux sur les guerres coloniales, Jules Roy était redevenu civil. Plongé dans la création théâtrale et les frivolités de Montparnasse et Saint-Germain-des-Prés, éloigné de son pays natal où il séjournait de moins en moins souvent après son divorce et la mort de sa mère, il ne saisit pas aussitôt l'ampleur du drame qui s'y jouait, bien que ses amis Jean Amrouche et Marcel Reggui aient depuis longtemps attiré son attention sur le divorce croissant entre les communautés, Jean Daniel également, et puis bien sûr Camus dont il était devenu un ami proche depuis les années d'après-guerre. C'est sans aucun doute l'ensemble de ses déchirures existentielles, augmenté de la prise de conscience en Indochine, de l'iniquité des guerres coloniales et la leçon retirée de Dien Bien Phu (voir La Bataille de Dien Bien Phu, Julliard 1963), qui le conduisirent à embarquer brutalement pour l'Algérie, au printemps 1960, quelques semaines à peine après la mort accidentelle de Camus, en qui ces mêmes intellectuels français d'Algérie avaient placé tous leurs espoirs de compréhension et, quelquefois, de solution. Bénéficiant d'un sauf-conduit délivré par le général de Gaulle, et d'amitiés aussi bien parmi les intellectuels, il parcourt le pays en tous sens, accumulant les témoignages dans les deux camps, il en ramène La Guerre d'Algérie (Julliard, septembre 1960 après prépublication partielle durant l'été dans L'Express), un « long cri déchirant » qui bouleversa la France et lui fit enfin comprendre que ce qui se passait outre-Méditerranée.
Que se passa-t-il ensuite ?
Jules Roy ne s'en tint pas à cela : il récidiva l'année suivante avec Autour du drame, un recueil de ses articles sur la guerre. Au moment des accords d'Evian, puis au printemps 1962 et jusqu'à l'indépendance, il suivit pas à pas pour L'Express la tournure que prirent les événements ; il était encore là lors des fêtes de l'indépendance. A la fin de la guerre et le rapatriement des Français d'Algérie, il arriva donc ce qui devait arriver ; vous connaissez la chanson de Guy Béart : « Le premier qui dit la vérité / Il doit être exécuté ! » Jules Roy l'ancien soldat, le héros de la guerre 1939-45 devint irrémédiablement Etranger pour (s)es frères (Stock, 1982), selon le titre de l'essai qu'il publia à l'occasion du vingtième anniversaire de l'indépendance algérienne — c'est-à-dire auprès de l'armée, la « grande Muette » qu'il avait servie pendant vingt ans, comme parmi ses frères pieds-noirs qui, cinquante ans après, ne lui ont encore rien pardonné ! Sans qu'en Algérie l'action de Jules Roy soit reconnue pour autant, sa situation étant sans doute trop paradoxale pour cela. Pensez donc : passe encore qu'un pied-noir se retourne contre les siens, comme le fit Jean Sénac ; passe encore qu'un gradé de l'armée française en dénonce les excès, comme sut le faire le général de la Bollardière... Mais un pied-noir servant dans l'armée française se retournant contre les siens, tout en dénonçant les excès de l'armée !
Il y eut aussi l'aventure des Chevaux du soleil...
Oui, mais un peu plus tard. C'est à l'été 1965 que Françoise Verny a l'idée de lui proposer d'écrire « l'épopée des Français d'Algérie à travers [s]a famille, sur un siècle ». Une entreprise qui aussitôt le fascine et tout à la fois l'effraie tant il en pressent l'ampleur. Une entreprise qui lui prendra dix ans de sa vie. Dix années de documentation minutieuse d'un côté et de l'autre de la Méditerranée, et dix années d'écriture fiévreuse que retrace ce Journal des Chevaux du soleil (Omnibus, 2000) que j'ai eu l'honneur et l'avantage de composer à ses côtés et dont il ne vit malheureusement pas la publication. Très vite, il lui apparaît que cette histoire ne peut prendre forme que sur les lieux mêmes où elle naquit. C'est pourquoi, en 1965 et 1966, il louera une petite maison à proximité des plages de Sidi Ferruch où se déroula le débarquement des armées françaises en 1830, afin d'y entreprendre tranquillement la rédaction. Cette œuvre fleuve en six tomes reprend en les romançant, à travers des personnages réinventés à partir des grands-parents et parents de l'auteur, quelques moments-clefs de l'histoire algéro-française de 1830 à nos jours. A l'occasion du centenaire Jules Roy, nous avons réédité Les Chevaux du soleil, avec une nouvelle préface que nous avait donnée l'auteur en 1995 (éd. Omnibus), ainsi que l'intégralité du feuilleton (Koba Film) ; nous espérons pouvoir venir présenter l'un et l'autre à Alger, fin octobre, à l'occasion du Salon international du Livre d'Alger.
Finalement, cet écrivain mérite bien d'être appelé « Jules Roy, l'Algérien »
Oh oui, il portait l'Algérie au cœur. Je peux témoigner du déchirement que fut celui de Jules Roy durant la décennie noire, qui l'empêcha de retourner au pays, d'aller se recueillir sur la tombe de sa mère. Ce n'est qu'en 1995 que, n'y tenant plus et désireux d'aller une dernière fois rendre visite à ses morts, il fit le voyage de Sidi Moussa, d'où il ramena son Adieu mon cœur, adieu ma mère (Albin Michel, 1995) —autre cri déchirant qui, une nouvelle fois, bouleversa la France. Imaginez-vous ce vieillard de près de 90 ans traversant la mer, atterrissant dans Alger la Blanche devenue rouge, pour aller s'incliner sur une tombe oubliée, au beau milieu du « triangle de la mort » ? Après cela, revenu à Vézelay, où sa belle demeure au pied de la basilique est devenue, selon sa volonté, une résidence d'écrivains, il put mourir serein, non sans avoir écrit une ultime Lettre à Dieu (Albin Michel, 2001). (*) Professeur à l'université Paul Valéry de Montpellier, Guy Degas publiera à cette occasion Jules Roy chez Charlot (Ed. Domens) ainsi que Jules Roy, témoin et complice de l'Algérie indépendante dans Algérie, cinquante ans d'Indépendance (ouvrage collectif. Ed. Rodopi).


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