La santé du président égyptien, 79 ans, au pouvoir depuis 25 ans, s'impose aux journalistes comme un tabou absolu. Quatre éditeurs d'hebdomadaires privés égyptiens ont été condamnés chacun à un an de prison ferme et 20 000 livres égyptiennes (3700 dollars US) d'amende, jeudi dernier, pour avoir publié, il y a plus d'un an, des informations mettant en doute la bonne santé du président Hosni Moubarak. Le Caire : De notre correspondante Les quatre journaux (dont les directeurs ont dû payer chacun une caution de 10 000 livres égyptiennes en attendant le procès en appel) se trouvent aussi être les journaux les plus virulents contre le régime de Moubarak. Le plus connu étant Al Doustour dirigé par Ibrahim Issa, qui à été, d'ailleurs, arrêté la semaine dernière et interrogé pendant sept heures consécutives après avoir publié récemment des articles à la une, affirmant que la santé du président était sérieusement en déclin, disant qu'il était « très gravement malade », « dans le coma » et même « mort ». Les trois autres sont Wael el Ibrahim, directeur de Sawt al Oumma (proche des Frères musulmans), Abdelhalim Kandil, ex-directeur d'Al Karama (proche des Nassériens) et Adel Hamouda directeur d'Al Fagr. Le verdict tombé, jeudi dernier, dans une salle d'audience bourrée à craquer de journalistes et correspondants de médias étrangers, a été reçu comme un coup de tonnerre par la corporation de la presse égyptienne, organisée autour du Syndicat des journalistes qui a immédiatement appelé à une réunion extraordinaire, aujourd'hui dimanche, de « tous les directeurs d'organes de presse et médias indépendants et de tous les journalistes afin de décider de la riposte à cette attaque ». Pour le Syndicat des journalistes égyptiens, dont le siège est devenu depuis quelques années le seul espace libre de réunions, d'expression et débats des militants des droits de l'homme, activistes contre la torture, les discriminations religieuses, etc., « ce verdict est une véritable déclaration de guerre contre la presse, visant à réduire la marge de liberté de la presse indépendante et à intimider les journalistes ». « Disparition » La santé de Hosni Moubarak, âgé de 79 ans et présidant le pays depuis 25 ans, est périodiquement matière aux rumeurs les plus folles. Sa « disparition » subite de tout espace public, tout au long du mois d'août dernier, a nourri toutes sortes de spéculations, dont Al Doustour s'est fait l'écho, raison pour laquelle le directeur de cet hebdomadaire férocement anti-Moubarak vient d'écoper d'une nouvelle accusation, celle de nuire à l'économie du pays : « Les informations mensongères publiées sur la santé du président, ayant été la cause du retrait de 350 millions de dollars d'investissements étrangers du pays », est-il écrit dans le nouvel acte d'accusation contre Ibrahim Issa. Hosni Moubarak n'ayant pas fait d'apparition publique pendant près d'un mois, c'est son épouse, Suzanne Moubarak, qui a tenu à s'adresser la semaine dernière aux Egyptiens à travers une émission de télévision où elle a tenu à « s'exprimer non en tant qu'épouse du président de la République mais en tant que simple citoyenne égyptienne » pour dire que tous ceux qui disséminent ces fausses rumeurs sur la santé de Hosni Moubarak « devraient être sévèrement punis ». Il n'en a pas fallu plus à la justice égyptienne.