Première semaine de Ramadhan, et les avis des Algériens (les mordus du petit écran s'entend) sur le programme de divertissement spécialement conçu pour ce mois sacré ne sont pas particulièrement enthousiastes. On trouve même que les trois ou quatre émissions qui constituent la charpente centrale de cette grille destinée à nous détendre tout de suite après la rupture du jeûne sont très approximatives aussi bien dans leur forme que dans leur contenu. En fait, les impressions recueillies çà et là juste pour avoir une idée sur la perception générale des émissions dites grand public qui ont dû coûter pas mal d'argent laissent apparaître comme une déception par rapport aux attentes initiales de la masse des téléspectateurs qui atteint, vis-à-vis de la chaîne nationale, un ordre de fréquentation record en cette période de l'année. C'est prouvé, les Algériens dans leur grande majorité éprouvent un certain plaisir à renouer avec leur télé pendant le Ramadhan pour partager les moments forts de la convivialité familiale. C'est d'ailleurs durant ce mois que l'Unique enregistre son plus gros score d'audience. Mais si du côté du boulevard des Martyrs on a conscience de l'extraordinaire potentiel de consommateurs télé toujours aussi exigeants sur les nouveautés, notamment sur la qualité du programme, on ne semble pas avoir fourni un effort particulier pour répondre à la demande générale en dépit d'une apparente volonté de diversifier la grille. Entre le rire et le mélodrame, il n'y a presque plus de frontières, mais ce sont souvent les scénarios bien construits qui font défaut et qui rendent donc les différentes productions à la limite du « digérable », malgré une distribution de comédiens assez conséquente. Les séries humoristiques, par exemple, qu'on a eu à voir jusque-là (Maâ el Mhéni dima mhéni, Hal oua Ahwal) ont manqué de tonus et d'ingéniosité. Ce sont des sketches chorbas à peine améliorés qui semblent cependant avoir été improvisés dans le seul but de remplir une case dans la grille, voire un créneau horaire. Le travail, assurément par manque de recherche et d'imagination, vire au bâclage puisque les situations comiques ou burlesques qu'on a voulu atteindre ne fonctionnent que sommairement. C'est aussi et surtout le cas de la caméra cachée (Bla zaâf) cette année qui, contrairement aux Ramadhans précédents, n'a pas trouvé la bonne formule pour piéger ses invités et nous faire rire, conformément au principe du jeu, sur les comportements cocasses de ces derniers. Avec un animateur principal (interviewer pour la circonstance) trop rigide, qui n'a en tout cas pas le toupet de Mourad Khène, et une collaboratrice complice qui manque de naturel dans ses tentatives de provoquer les interlocuteurs d'un soir, autant dire que l'émission avait peu de chances de s'en sortir. La preuve, la manipulation des « victimes » n'a pas créé d'émotions particulières, les invités eux-mêmes se demandant parfois dans quelle type de confrontation ils se trouvaient et dans laquelle ils flairaient déjà quelque chose de bizarre. Cette série manque terriblement de rythme et on ne sait pas si dans les jours qui viennent elle pourra passer la vitesse supérieure. Il est évident qu'une telle émission n'est pas facile à faire. C'est de la télé-réalité par excellence qui nécessite un professionnalisme et une maîtrise technique sans faille. Bla Zaâf hélas n'a pas réuni ces deux atouts majeurs pour accrocher le public. Mourad Khène, qui signe pourtant cette émission mais en faisant le gros derrière la caméra, nous a habitués à mieux. La marge qui sépare ce nouveau produit des précédents qui ont, eux, connu un succès fulgurant doit lui donner à réfléchir. En tous état de cause, malgré la platitude qui la caractérise, la caméra cachée 2007 est toujours suivie avec curiosité et passion. C'est son côté renversant, même s'il est maladroitement pris en charge qui fait son charme. Elle est sûrement aussi le chouchou du programme avec laquelle il faut être plus indulgent. Remarque de ce point de vue, les Algériens savent faire la part des choses. Le feuilleton de la soirée Mawid maâ el qader les entraîne dans un suspense hollywoodien (toutes proportions gardées) qui laisse, pour l'heure, la critique en bandoulière. Ramadhan ne fait que commencer et c'est à la fin qu'on dira si ce téléfilm a fait de l'effet ou pas. S'il a été en fait à la hauteur de la réputation de notre télévision nationale qui se lance, visiblement, dans des créations un peu plus sophistiquées. Il faut dire qu'avec tous les moyens dont elle dispose dans un contexte plus large et sa volonté de se hisser à un niveau supérieur, la télé algérienne vient d'essuyer une mauvaise note de la part de FTP international, filiale du groupe France Télévision, qui, dans un sondage concernant l'audience des chaînes maghrébines auprès des Maghrébins vivant en Ile-de-France, classe le Maroc et la Tunisie avant l'Algérie. Une contre-performance difficile à digérer, mais qui pourrait expliquer quelque part l'indigence du programme Ramadhan. Pourquoi faire la gueule, on a l'habitude...