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« Nos engagements atteindront rapidement les deux milliards d'euros »
Jean-Marc Pons. Directeur général de Coface Algérie Services (CALS)
Publié dans El Watan le 04 - 10 - 2007

La Coface boucle une année de présence en Algérie. Quel est le bilan de vos activités ?
La première année d'intervention dans un pays est consacrée à la constitution de la société. Je suis arrivé en août 2006 et la société a été créée le 19 novembre. Pendant quatre mois, nous avons apporté notre soutien et assistance technique à notre partenaire la Compagnie algérienne d'assurances et de garantie des exportations (Cagex). Notre premier objectif consistait à apporter un service à nos clients dans le domaine de l'assurance-crédit que nous avons commencé à développer avec la Cagex.
Quelle est la nature de ce partenariat ?
Dans ce partenariat, l'aspect développement commercial n'est pas forcément quelque chose qui fait partie de nos accords. Nos accords sont d'ordre technique et de réassurance qui permettent à la Cagex de conclure des contrats d'assurance avec des entreprises algériennes qui vendent sur le marché algérien.
Et en termes de volume d'affaires...
C'est difficile de répondre à cette question parce qu'il y a différentes situations. La première est la situation d'un exportateur vers l'Algérie qu'il soit Français, Allemand ou autre. Dans ce cas, il est assuré par la Coface à travers une assurance à court terme. Il y a la situation où une entreprise algérienne importe des biens d'équipement. Là, nous intervenons en garantie sur des durées de crédit qui peuvent aller au-delà d'un an. Et puis, il y a ce que nous appelons les financements de projets qui représentent des investissements importants et dont la durée de crédit peut atteindre les cinq ans. Le portefeuille est à la fois dans l'assurance de crédit à court terme et dans des projets à moyen et long termes. Il faudrait regarder cela sur la durée. La part de marché de la Cagex, ici en Algérie, est de 100% dans la mesure où nous ne sommes pas assureurs directement dès lors qu'il n'y a pas d'autres assureurs crédit sur le marché. Partant du fait que la France est le premier fournisseur de l'Algérie avec environ 20% des importations, nous pouvons dire que la plupart des entreprises françaises exportatrices vers l'Algérie sont assurées par la Coface.
Peut-on avoir le niveau actuel de vos engagements ?
Nous sommes actuellement à 1,4 milliard d'euros d'engagements. Il s'agit d'engagements que nous détenons sur des créances d'exportateurs, activant au niveau mondial, sur des entreprises algériennes, et il n'est pas exclu d'envisager une progression vers les deux milliards d'euros très vite. Notre présence sur le marché n'est pas étrangère à cette progression.
Cela correspond-il au potentiel du marché algérien ?
Vous savez que beaucoup d'entreprises algériennes connaissent une évolution de leurs opérations qui les mènent à contracter de l'assurance-crédit. Je dirai qu'elles ont redémarré leurs opérations depuis à peine cinq à six ans. Donc, le volume des opérations est encore faible. Le développement des échanges classiques dépend aussi du marché, de l'environnement des affaires et du flux des exportations qui arrivent. Il y a une évolution que nous suivons avec une grande attention.
En tant que société présente localement qui plus est rattachée à une compagnie de notation du risque pays, quelle appréciation faites-vous du climat des affaires en Algérie ?
Je pense qu'il y a un environnement des affaires propice au développement. Tout simplement parce que le secteur privé des petites et moyennes entreprises (le middle market) commence à se développer en Algérie. Il y a aussi des phénomènes qui vont changer l'économie algérienne. Je pense notamment à la consommation avec l'arrivée de la grande distribution. Ce qui fait qu'il y aura des influences sur la production agroalimentaire dans le pays. Nous allons tendre vers une production locale à destination des supermarchés, hypermarchés. Cela va mieux organiser le commerce local et même les petits commerçants vont en bénéficier de cette nouvelle organisation. Les habitudes de consommation vont changer. Cela va influer aussi sur les moyens de paiements avec des conséquences sur le développement de la monétique. Pareil pour le crédit à la consommation. Ce sont des phénomènes observés dans d'autres pays. Pour ce qui est des entreprises, bien entendu, il est difficile d'inverser brutalement le sens des flux économiques, c'est-à-dire celui des importations.
Justement, est-ce que le mouvement d'inversion va au rythme voulu, d'autant plus que les importations du pays ne cessent de croître ?
Effectivement, les prévisions de la Coface, entreprise mère, situent les importations de l'Algérie pour 2007 à 32,7 milliards de dollars US. Nous pouvons avoir des analyses par rapport à cela. Les exportations hors hydrocarbures ne dépassent pas le milliard de dollars US et les importations continuent d'augmenter générant ainsi un déséquilibre. Mais je pense au regard des chiffres et si l'on raisonne en pourcentage, qu'il y a une tendance à l'amélioration des exportations hors hydrocarbures. Des progrès sont également accomplis dans les échanges interentreprises, ainsi que dans le système bancaire. Pour expliquer la situation, il ne faut pas se contenter simplement d'analyses financières. Il y a une situation qui est assez complexe pour le passage d'une économie administrée à une économie plus libérale, mais en même temps il faut accompagner ce changement par beaucoup de formation et d'investissement. C'est un changement en profondeur qui ne peut se faire en quelques mois.
Vous faites une lecture plutôt optimiste de l'environnement des affaires en Algérie. Cela devrait avoir un impact sur les taux des primes d'assurances que les entreprises algériennes jugent élevés d'autant plus que les notations de la Coface sont positives…
Je crois qu'il est encore tôt pour dire cela du marché algérien. Au niveau de l'assurance, l'analyse du risque dépend de la qualité de l'information dont nous disposons. Il faut avoir un certain recul pour pouvoir faire baisser les primes. Cela veut dire que nous travaillons à constituer une base de données importante d'entreprises algériennes qui vont nous permettre dans un premier temps, pas forcément de baisser les taux de primes, mais de pouvoir prendre des décisions. Le principal objectif est d'offrir le service. Pour l'instant, parler de baisser les taux n'est pas la bonne approche.
Sur quelles bases décerniez-vous les notes par pays ?
D'abord, je dois préciser que la notation est émise par la Coface rating basée à Paris. Nous avons un certain nombre de critères et nous nous attachons dans nos analyses à prendre en considération les éléments macroéconomiques et le comportement de paiement des entreprises. Ce comportement est mesuré chez nous dans la courbe des incidents de paiement. Nous collectons des informations qui nous viennent de la gestion de nos comptes d'assurances et nous mesurons les comportements par rapport aux incidents. Qu'est-ce qui permet d'adjuger une note ? C'est l'observation des comportements des entreprises. Les indicateurs macroéconomiques de l'Algérie fournissent une opinion positive, mais l'indication que nous devons donner aux opérateurs doit être opérationnelle. C'est ce qui explique la considération du comportement de paiement des entreprises. L'Algérie fait partie aujourd'hui des pays les mieux notés dans le monde. Elle est dans le cercle des A.
La CALS concourt-elle à la notation de l'Algérie ?
Oui et non à la fois. Non parce que ce sont des experts basés en France qui s'occupent de la notation par pays sur des éléments macro et microéconomiques. Et oui parce que nous apportons à travers notre reporting dans le monde un éclairage. Disons que nous sommes capables périodiquement de collecter des informations de certaines sources locales et sur le terrain qui permettent d'avoir un éclairage plus pointu sur la situation.
Le pays fait face ces derniers mois à une recrudescence des attentats terroristes. Y aurait-il un impact sur vos notations ?
Nous mesurons strictement l'économique. Les aspects politiques ont une influence sur une partie de nos appréciations, mais ils ne font pas partie de notre base à critères.
Durant l'année qui vient de s'écouler, l'Algérie a pris un certain nombre de décisions, notamment dans le secteur énergétique, que les entreprises étrangères ont mal perçues. Devrait-on s'attendre à l'induction d'un effet ?
L'Etat algérien est souverain. Je pense que dans le domaine de l'énergie, toutes les entreprises sont considérées au même niveau. C'est un secteur très spécifique pour l'Algérie et nous n'avons pas d'appréciation particulière à donner.
Vos engagements restent limités dans les assurances à court terme. Pourquoi ?
Effectivement. Les polices d'assurance à moyen et long termes, notamment des investissements, sont gérées en général par notre maison-mère. En tant que société de services, nous avons accès à une partie du catalogue. Notre mission est surtout dans les services, c'est-à-dire l'information crédit, l'assistance aux partenaires et la notation d'entreprises. L'assurance-crédit est opérée par un partenaire local. Pour mettre en place d'autres produits, il faut être une compagnie d'assurances. Nous n'avons pas le statut légal. Vous ne pouvez pas donc faire d'action commerciale si vous n'êtes pas une compagnie d'assurances.
La loi permet pourtant aux étrangers de créer une compagnie d'assurances. Y a-t-il une réflexion dans ce sens chez la Coface ?
Non, il n'y a pas de réflexion. Nous ne sommes pas encore dans ce schéma-là. Il y a beaucoup d'inconnues dans ce que sera la situation, mais toutes les options évoluent.


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