S'acheminant vers la privatisation, l'ENIEM (entreprise nationale des industries électroménagères) alimente ces derniers jours les débats au sein des milieux économiques à Tizi Ouzou et son devenir ne cesse de susciter des appréhensions. Une seule interrogation taraude, à présent, ceux qui sont favorables à cette cession autant que ceux qui en sont sceptiques : quelle stratégie faudra-t-il adopter pour, non seulement, préserver ce patrimoine industriel mais garantir aussi sa consolidation et son développement ? Tizi Ouzou. De notre bureau Pour relever ce défi, l'ENIEM, qui fut jadis l'un des joyaux du secteur industriel, est appelée à une rupture profonde avec le climat qui règne en son sein, notamment durant les quinze dernières années. A partir de ce constat, la privatisation est perçue comme étant la seule voie commode qui se présente, d'autant plus que le désengagement de l'Etat se confirme davantage. Avec un potentiel industriel performant et une position sur le marché moyennement confortée, la reprise du processus de croissance de l'ENIEM ne relève pas du miracle, semble-t-il. En tout cas, avec autant d'atouts à son actif, le leader national de l'électroménager n'aura assurément pas à affronter des difficultés pour trouver le repreneur potentiel qui lui sied. Sur ce point, le P-DG de la plus grande entreprise économique (de par sa taille) que compte la wilaya de Tizi Ouzou, est relativement optimiste. Bilans comptables à l'appui, M. Dahmane Yadadène est convaincu des performances de l'entreprise qu'il dirige. En 2006, l'ENIEM a réalisé un chiffre d'affaires de 4,8 milliards de dinars et l'année d'avant 5 milliards de dinars. Pour l'année en cours, les prévisions tablent sur 4,9 milliards de dinars. Ce chiffre d'affaires a été réalisé malgré les capacités industrielles de l'entreprise qui ne sont exploitées qu'à hauteur de 70%, selon le même responsable qui expliquera aussi que " cette sous-exploitation des capacité est due au fait que le rythme de production est régulé en fonction de l'offre et la demande ". Evoluant dans un environnement caractérisé par une concurrence de plus en plus rude, depuis notamment l'ouverture économique prônée par l'Algérie, et qui s'est conjuguée par l'arrivée en masse des grandes marques internationales de l'électroménager, le produit ENIEM parvient tout de même à préserver 50% de ses parts du marché national. L'entreprise est aussi la première au niveau national à être certifiée aux normes ISO 9002 en 1998, puis à la norme ISO 9001/2000 en 2003 et renouvelée en 2006. Le point noir qui l'empêche de retrouver son essor, selon M. Yadadène, réside dans la trésorerie. En proie à un surendettement démesuré, elle peine à redresser sa situation financière malgré les résultats positifs réalisés consécutivement à la fin de chaque exercice. L'ENIEM traîne depuis des années, tel un boulet, un cumul de dettes culminant actuellement à 15 milliards de dinars dont un découvert de 12 milliards (c'est-à-dire des dûs que les avoirs de l'entreprise ne peuvent pas couvrir). Avec un tel volume, les dettes génèrent des charges supplémentaires de l'ordre de 1,1 milliard de dinars annuellement, ce qui dépasse du loin la masse salariale nécessaire pour les 2 500 employés qui, elle, ne dépasse pas les 900 millions de dinars. Déséquilibre financier Les dettes ont commencé à s'accumuler, tout en affectant la santé financière de ce qui fut le fleuron de l'industrie électroménagère, depuis le début de la décennie 1990. Au départ, il y a eu la dévaluation brusque de la monnaie nationale en 1994, énoncée dans les accords conclus avec le FMI, qui a provoqué d'énormes pertes de change à l'entreprise. Depuis, cet endettement ne cesse pas de s'aggraver tout en reconduisant les déséquilibres financiers d'un exercice à un autre. Durant toutes ces années, les tentatives de venir à bout de cette situation se limitent à quelques initiatives internes sans que l'Etat, qui est le propriétaire de la société, n'intervienne pour une solution efficace. L'entreprise n'a bénéficié d'aucune opération de redressement ou d'assainissement financier comme cela a été le cas de nombreuses sociétés étatiques dans le cadre des différents programmes de restructuration du secteur public industriel. Dans le souci de réduire les charges financières, les effectifs sont ramenés de quelque 5 000 employés au début des années 1990 à 2 900 en 2 000 avant qu'il ne se stabilise à 2 500 actuellement. C'est dans ces conditions que sera mené cette opération de privatisation dont l'appel d'offre a été lancé par le ministère de la participation et de la promotion des investissements il y a quelques semaines. L'ouverture des plis aura lieu en novembre prochain, selon M. Yadadène, pour connaître le nouveau propriétaire potentiel du leader national du matériel frigorifique. En tout cas, compte tenu des conditions préalablement définies dans le cahier des charges, le futur acquéreur de l'ENIEM ne sera choisi que parmi les pionniers mondiaux de l'électroménager s'ils viennent à soumissionner. En premier lieu, le cahier des charges requiert que le candidat à cette opération d'acquisition doit être un professionnel dans le domaine des industries électroménagères qui doit s'engager, entre autres, à renforcer les capacités techniques, industrielles et commerciales de l'entreprise, conforter le rôle qu'elle joue dans le processus de développement local de la région, en contribuant à la création d'emploi et en favorisant l'émergence des compétences. Pour le P-DG de l'ENIEM, " ces conditions, à elles seules, suffisent pour rassurer les travailleurs qu'il n'y aura aucune menace sur les emplois ". Concernant le problème de l'endettement, M. Yadadène n'écarte pas la possibilité de voir l'Etat intervenir pour éponger ce cumul de dettes afin de pouvoir concrétiser ce processus, car, " aucun investisseur étranger ne pourra s'engager avec un passif de 15 milliards de dinars ", dira-t-il.