Le Che effectua deux visites en Algérie, en 1963 puis en 1965 où il prononça son dernier discours. Sa première visite à Alger en juillet 1963 fut l'occasion pour Che Guevara de s'intéresser à un autre combat de libération, celui des Sahraouis qui, déjà, luttaient contre leur absorption par le colonialisme espagnol. Selon l'ouvrage autobiographique d'un ancien agent secret cubain, Juan Vivès, le président algérien Ahmed Ben Bella a demandé l'aide de Cuba au profit des Sahraouis en lutte contre l'occupation espagnole. C'est dans ces circonstances que Che Guevara arriva à Alger et pris tout de suite les choses en main. En stratège et homme de terrain, il conseilla aux activistes sahraouis de s'organiser - avec l'aide de La Havane - pour former un mouvement : ce fut le Mouvement de libération du Sahara. Deuxième proposition du Che : assurer une formation politique aux cadres - qui parlent espagnol - de ce mouvement à Cuba. Ainsi, des centaines de Sahraouis sont partis à Cuba afin d'y recevoir une formation comme cadres politiques, d'autres comme étudiants et même des enfants pour faire leur scolarité sur l'île de la Jeunesse. Ce même MLS devait, dans les années 1971-1972, se transformer en une organisation armée portant le nom de Front populaire pour la libération de Saguia El Hamra et Rio de Oro (Front Polisario) après un congrès constitutif tenu le 10 mai 1973. Quelques mois après cette première visite, le Maroc attaqua l'Algérie en octobre 1963. Les dirigeants cubains, Castro et Guevara en tête, dépêchèrent un bataillon de vingt-deux blindés et plusieurs centaines de soldats qui furent dirigés vers le sud de Sidi Bel Abbès à l'ouest du pays, prêts à intervenir si la « guerre des sables » devait se poursuivre. L'URSS, qui avait livré ces blindés, interdisait aux Cubains de les envoyer à un pays tiers même socialiste. Mais La Havane outrepassa cette consigne en signe de solidarité.. Le rôle de catalyseur des révolutions a même poussé Che Guevara à demander à Ben Bella de transformer Alger en base arrière des mouvements de libération d'Amérique latine. La Havane était sous étroite surveillance et c'est à la villa Susini sur les hauteurs d'Alger - le tristement célèbre centre de torture durant la Bataille d'Alger - qu'un état-major de ces mouvements a élu domicile sous l'autorité de Che Guevara. Le dernier discours La deuxième visite du Che à Alger était à l'occasion de la tenue du Séminaire économique de solidarité afroasiatique, les 22 et 27 février 1965. En révolutionnaire sincère, son discours du 24 février 1965 à Alger reflétait ce que nombre de dirigeants et militants de gauche à l'époque ne pouvaient dire en public. En résumé, le Che en voulait au grand frère soviétique. Déjà qu'il partageait la fureur de Castro après le recul de Khrouchtchev lors de la crise des missiles soviétiques. A Alger, clairement, il prend ses distances avec l'URSS qu'il accuse de complicité avec « l'exploitation impérialiste », et s'oppose à la « coexistence pacifique ». « Les pays socialistes ont le devoir moral d'arrêter leur complicité tacite avec les pays de l'Ouest exploiteurs », a-t-il lancé. Car Le Che voulait des Vietnam partout pour reprendre une de ses formules et non pas des compromis entre socialisme et capitalisme, entre lutte pour la libération et loi marchande. « L'aspect de la libération par les armes d'une puissance politique d'oppression doit être abordé suivant les règles de l'internationalisme prolétarien : s'il est absurde de penser qu'un directeur d'entreprise dans un pays socialiste en guerre puisse hésiter à envoyer les tanks qu'il produit sur un front ne pouvant présenter des garanties de paiement, il ne doit pas sembler moins absurde de vouloir vérifier la solvabilité d'un peuple qui lutte pour sa libération ou qui a besoin d'armes pour défendre sa liberté », a-t-il déclaré lors de ce discours à Alger, son dernier. Poussant plus loin, Guevara a estimé ce que l'hémisphère nord, mené par les Etats-Unis dans l'Ouest et l'URSS dans l'Est, exploite l'hémisphère sud. Moscou n'entendait pas laisser le « commandante » la critiquer ainsi. Le Che, soupçonné de « trotskisme » ou de « maoïsme » par Moscou, embarrasse Castro. Le 3 octobre 1965, « l'ami » Castro dévoile une lettre que lui a adressée Guevara dans laquelle il annonce sa démission de ses fonctions, renonce à sa citoyenneté cubaine octroyée en 1959 et son départ à l'étranger. Vers d'autres révolutions à rallumer. Jusqu'à sa propre extinction le 9 octobre 1967 en Bolivie.