Alan Greenspan est un gourou vénéré aux Etats-unis. Mais peut être plus pour toute la communauté des acteurs de l'économie. L'image du célèbre président de la fédérale réserve bank, la FED, durant vingt ans a pris un sérieux coup ce dernier mois de septembre. Celui qu'il a malencontreusement choisit pour lancer son livre évènement sur l'avenir de l'économie américaine et mondiale après en avoir fini avec son obligation de réserve, 18 mois après son départ en retraite. Des reproches de plus en plus audibles sont montés tout au long de l'été. Alan Greenspan aurait largement contribué à créer, puis à entretenir, la bulle de l'immobilier aux Etats-Unis. Cette bulle qui a elle-même porté « artificiellement » la reprise de l'activité puis la croissance américaine depuis 2001 et l'éclatement d'une autre bulle, celle d'Internet et des valeurs « high-tech ». En tant que président de la FED, Greenspan a fermement poursuivi une politique de taux directeurs bas afin de desserrer le crédit et faciliter l'investissement, la création de l'emploi, mais aussi la consommation des ménages. Or c'est de ce côté-là que le système financier américain a innové, cette fois, en multipliant les nouveaux produits, la titrisation des créances hypothécaires et leur échange sur le marché. Un business qui s'est autoalimenté en créant sa propre expansion, prêtant à des ménages insolvables déguisés en bons risques, entretenant un prix de la pierre jamais atteint et donnant l'illusion à des propriétaires d'être couverts par la valeur de leur patrimoine. Un dérapage que Alan Greenspan n'a pas voulu prendre en compte en 2002-2003. Pire encore, il a soufflé dans le dos de cette vague, en encourageant publiquement les ménages américains à recourir à des crédits à taux variables à un moment ou la probabilité la plus forte était déjà que ces taux – particulièrement bas- se retournent et qu'ils redeviennent haussiers. Ce qui n'a pas manqué d'arriver dès la mi-2005. Surnommé « l'oracle » à Wall Street, l'ancien président de la FED ne pouvait pas ne pas prévoir que la politique expansive des crédits hypothécaires à taux variables était dangereuse pour des centaines de milliers de ménages américains. Aujourd'hui de nombreux pères de familles incapables de rembourser le prêt de leur maison à cause de taux d'intérêt plus hauts sont obligés de revendre à un prix devenu lui plus bas. Et ils accusent le gourou de les avoir tromper. Alan Greespan se défend en affirmant qu'il était tout à fait dans son rôle de « rendre fluide le système bancaire américain en pratiquant des taux d'intérêt bas ». Le fait est que Alan Greespan n'était pas avec cette immense krack des crédits hypotécaires - devenu crise financière mondiale des « subprimes » - a son premier arbitrage douteux devant les enjeux de politique économique. Toujours dans le souci de « fluidifier » le cours des affaires, la FED avait opéré dans les années 90 à une libéralisation des métiers de banque avec notamment la fin de la séparation historique entre les activités de banques de dépôts et celles de banque d'affaires. Celui qui prête pouvait encenser les entreprises ou il était engagée. Le crédit a coulé à flot sur des entreprises ENRON – Worldcom, et d'autres, qui n'en auraient pas autant capté avant la réforme Greenspan. Les arbitrages de Alan Greenspan n'ont que trop rarement été en sens inverse des attentes de Wall Street. A l'exclusion des autres acteurs publics et privés de la vie américaine : les ménages, les contribuables locaux, les petits actionnaires, les salariés. Son successeur Bernabke agit de même. Il a fait, avec son board de la FED, baisser les taux directeurs du court terme à la mi-août dernier. C'était l'attente de la frange du marché la plus engagée dans la spéculation financière des dernières années. Celle qui aurait le plus payé si la FED n'était pas venu à la rescousse. L'Amérique de Greenspan a vécu durant dix ans au dessus de ses moyens. Grâce à l'épargne du reste du monde drainé par la réserve dollar, les bons du trésor et les opportunités d'affaires américaines. A l'heure de payer la facture, des voix s'élèvent pour lui demander de parler un peu moins aux médias. Beaucoup auraient voulu ne jamais l'entendre.