Où et à quelque niveau que ce soit, y compris dans les instances officielles palestiniennes, les propos tenus par l'épouse du président Arafat ont entraîné une réaction tout à fait contraire à ce qu'elle semblait rechercher. La première dame de palestine a ni plus ni moins accusé trois des plus hauts responsables palestiniens actuels de vouloir enterrer vivant son mari. Elle visait Mahmoud Abbas alias Abou Mazen, le numéro deux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Ahmad Qoreï, le Premier ministre palestinien actuel et Nabil Chaâth. Souha Etawil (nom de jeune fille de l'épouse du président) est apparue sur les écrans de la chaîne qatariote Al Djazira pour faire une déclaration sous forme d'appel au peuple palestinien, qu'elle a voulue explosive. Complot Et tout compte fait, la situation lui a échappé, puisque la direction palestinienne, qui s'était déplacée pour quelques heures à Paris, ne s'est pas contentée d'aller au chevet de Yasser Arafat, mais de restituer aux Palestiniens ce qui leur appartient. C'est-à-dire leur leader qu'ils soutiennent à travers des manifestations dans l'ensemble des territoires occupés. « Abou Ammar (Arafat) se porte bien et va regagner sa Patrie », mais « Abbas, Qoreï et Chaâh, qui cherchent à hériter de son pouvoir, veulent enterrer Arafat vivant », a déclaré l'épouse du leader palestinien contrairement aux bulletins médicaux et aux informations infondées qui annonçaient sa mort mardi. Mais indéniablement, Arafat va mal et même très mal contrairement à ce qu'elle affirmait contre tout bon sens. « Une poignée de (gens) qui cherchent à hériter du pouvoir viennent (lundi) à Paris pour tenter d'enterrer Abou Ammar vivant », dit Souha Arafat dans un « appel » au peuple palestinien : « Je vous invite à mesurer l'étendue du complot. Je vous dis qu'ils veulent enterrer Abou Ammar », a-t-elle ajouté. « Abou Ammar se porte bien et il va rentrer dans sa Patrie », conclut-elle dans son bref « appel ». Les trois hommes, qui ont décidé dans un premier temps d'annuler cette visite, étaient mardi au chevet de Arafat. Les propos virulents de Souha Etawil, absente des territoires palestiniens durant toute l'Intifadha, ont provoqué un véritable tollé dans les milieux palestiniens. La réaction de la rue est sans appel : « Où était Souha alors que les territoires palestiniens étaient noyés par les larmes et le sang. Elle menait la belle vie à Paris. Cette femme ne peut pas avoir de meilleurs sentiments pour Abou Ammar que nous et que ses compagnons d'armes. Même lorsque son mari était emprisonné dans ses bureaux démolis à Ramallah pendant près de trois ans, a-t-elle songé à lui rendre visite ? Par ces propos, elle veut entraîner une fitna, mais personne ne l'écoutera. » Le message Les propos tenus par cette citoyenne reflètent l'idée que se font les Palestiniens de leur première dame. Une manifestation de protestation aux propos de Souha s'est déroulée à Ramallah. Les participants étaient en majorité des femmes. Le slogan principal était : « Souha reste à Paris, nous resterons derrière les barricades. » D'autres marches de soutien ont eu lieu. Dans la ville de Khan Younès, proche de Rafah (bande de Ghaza), où la famille de Yasser Arafat a un cimetière privé, près de 2000 personnes ont organisé une marche spontanée, criant le nom de Arafat en portant des posters du dirigeant. Dans la ville de Ghaza, le calme régnait et les habitants se sont précipités dans les magasins pour acheter des vivres en prévision de la fermeture des commerces qui devrait suivre l'annonce du décès de Yasser Arafat. Au Liban également où vivent, selon les chiffres de l'ONU, quelque 350 000 réfugiés palestiniens, des milliers d'entre eux ont participé à une marche dans le camp de Aïn Héloué. Des banderoles sont apparues affirmant que « Arafat ne peut pas mourir ». Des centaines de gens, certains les yeux en larmes, se sont également rassemblés autour des permanences des trois principaux mouvement historiques de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), le Fatah, le Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Le message est clair et c'est certainement ce qui explique la décision du président du Conseil législatif palestinien (Parlement), Rawhi Fattouh, qui a exigé « des excuses » de Mme Arafat. « Il revient à Mme Souha Arafat de présenter des excuses au peuple palestinien, car elle a été dure pour ce peuple », a dit M. Fattouh sur Al Djazira. « Arafat n'est pas la propriété d'une petite famille. Il appartient à tout le peuple palestinien », a déclaré de son côté Tayeb Abderrahim, proche de Yasser Arafat.