L'épouse de Yasser Arafat, Souha, qui se trouve au chevet de son mari à l'hopital des armées de Percy en région parisienne, fait-elle de la politique sans le savoir ou, en revanche, en ne le sachant que trop bien ? Dans une déclaration faite, dimanche sur la chaîne qatarie El Djazira, la première dame palestinienne a accusé sans ménagement les membres de la direction palestinienne de vouloir enterrer son mari vivant pour hériter de son pouvoir. Cette déclaration a fait l'effet d'une douche froide dans les rangs de l'Autorité palestinienne. Un déplacement d'une délégation de trois personnalités palestiniennes influentes, conduite par le Premier ministre palestinien Ahmed Qoreï et composée du numéro 2 de l'Organisation de libération de Palestine (OLP) Mahmoud Abbas et du ministre des Affaires étrangères Nabil Chaâth, avait failli tourner court suite aux déclarations de Mme Arafat. Des informations se sont télescopées dans la journée d'hier sur le maintien ou non de la visite que devait effectuer la délégation palestinienne à Paris pour s'enquérir de l'état de santé de Arafat et sans doute pour tenter sur place de percer le mystère qui entoure la maladie du président de l'Autorité palestinienne et les raisons de la détérioration subite de son état général. Le secrétaire de la présidence de l'Autorité palestinienne a déclaré que les trois représentants palestiniens pourraient annuler leur déplacement à Paris. La banderille plantée par Mme Arafat dans le corps meurtri des Palestiniens qui n'avaient pas besoin en ces moments difficiles que traverse la cause palestinienne d'une telle passe d'armes interpalestinienne qui ne ferait que le jeu d'Israël a ravivé les appetits de pouvoir au sein de la classe politique palestinienne. Réagissant aux déclarations de Souha Arafat, le mouvement Hamas, qui entend avoir sa part du gâteau dans la redistribution du pouvoir entre les factions palestiniennes après en avoir été écarté dans le dispositif institutionnel en place, a estimé hier par la voix de son porte-parole que ses propos confirment « l'importance de l'appel de Hamas à la formation d'un commandement collectif (...) en vue d'éviter tout chaos probable sur la scène palestinienne, notamment en cette période décisive et historique dans le destin du peuple palestinien ». Plus précis, le responsable du mouvement Hamas estime que les propos de Mme Arafat « n'ont rien à voir avec la santé » de son époux. Après donc un cafouillage qui aura duré quelques heures, une source palestinienne a levé le suspense en début d'après-midi de la journée d'hier en annoncant le maintien de la visite de la délégation palestinienne à Paris. L'information a été confirmée par la parlementaire Hanane Achraoui qui s'en est prise à Mme Arafat qualifiant ses propos de « provocants et susceptibles de semer la division ». La parlementaire palestinienne sait très certainement aussi de quoi elle parle lorsqu'elle annonce que le but de la visite à Paris de la délégation palestinienne, c'est d'avoir « des informations de première main sur la santé de M. Arafat ». Les informations parcimonieuses mais surtout peu transparentes sur l'état de santé réel du président Arafat et sur l'origine de la pathologie qui l'a plongé dans un coma profond depuis le 29 octobre ont semé le doute dans l'esprit des Palestiniens qui n'écartent pas la thèse d'un empoisonnement du leader palestinien. Aussi, la sortie médiatique de Mme Arafat est-elle autant inopportune que suspecte. Cherche-t-elle à cacher des vérités sur le diagnostic médical de son époux et son état de santé réel ? Son incursion dans la vie publique palestinienne en ce moment précis alors qu'elle est toujours restée distante pour ne pas dire (volontairement) en retrait des affaires palestiniennes pour avoir choisi de vivre à Paris depuis de longues années déjà, éloignée de la vie de couple, constitue une véritable énigme politique. Pour qui roule Mme Arafat ? La question taraude l'esprit de la rue palestinienne qui a vivement réagi, hier, aux propos de l'épouse de Arafat en la qualifiant « d'opportuniste » et de « traître » ayant fui la Palestine au lendemain du lancement de l'Intifadha, il y a quatre ans, pour s'installer avec sa fille dans le confort parisien. Le président du Parlement palestinien, Rawhi Fattouh, a exigé hier de Mme Arafat des excuses officielles dans une déclaration sur la chaîne Al Djazira. La première dame de Palestine qui n'avait déjà pas bonne presse auprès de l'opinion palestinienne pour n'avoir rien partagé de la douleur des Palestiniens est bien partie avec ce faux pas pour devenir la dernière dame de Palestine.