C'est un peu comme si Bernadette Chirac obtenait la nationalité suisse et s'installait à Gstaad. Ou si Laura Bush traversait l'Atlantique pour devenir française. Le Caire (Egypte). Correspondance particulière Souha Arafat a choisi la nationalité tunisienne. L'ex-first lady palestinienne, veuve de Yasser Arafat, et sa fille ont obtenu cet automne le passeport d'un pays dirigé d'une main de fer par le président Zine El Abidine Ben Ali. L'arrêté a été publié dans Le journal officiel de la République tunisienne, en date du 26 septembre 2006, confirme un officiel tunisien contacté. « Elle vit chez nous depuis quelques années. Et sa fille âgée d'une dizaine d'années poursuit ses études dans un lycée de notre capitale. » Du côté de l'Autorité palestinienne, l'information est passée complètement inaperçue. « Souha est tunisienne. Je ne le savais pas », indique un officiel palestinien. Une fin mouvementée Même surprise de la part de Adel Atieh, premier conseiller de la délégation générale de Palestine auprès de l'Union européenne. « Mais officiellement, ce n'est pas un problème pour nous », ajoute-t-il. « Madame Arafat fait ce qu'elle veut de sa vie privée. » Preuve, si besoin était, des piètres relations entre la veuve du leader et le gouvernement palestinien. Celui-ci n'a jamais pardonné à Souha ses déclarations au moment où Yasser vivait ses dernières heures dans un hôpital parisien. Elle avait notamment accusé les représentants de l'Autorité venus rendre hommage à son mari de vouloir l'enterrer vivant pour hériter de son pouvoir. Du côté des officiels palestiniens, on s'inquiète en revanche plus de l'avenir de la fille de Arafat. Elle porte encore la flamme de la résistance qu'avait allumée son père, souligne un représentant de l'Autorité. « C'est un symbole. » En gros, le gouvernement voudrait bien le garder sous la main. Faut-il y voir la raison du changement de nationalité des Arafat, qui auraient trouvé ainsi une protection ? Leur entourage n'a pas souhaité commenter l'information tout en expliquant qu'en devenant tunisienne Souha Arafat entend « protéger ses intérêts ». La rue palestinienne, de Ghaza à Ramallah, tombe également des nues. « Tunisienne, dites-vous ? L'info n'a jamais été commentée ici. Je suis choqué », déclare Safwat d'El Qods. « Souha n'est pas n'importe quelle Palestinienne. C'est l'ex-première dame. Elle porte en elle tout un héritage de Arafat. » Voilà qui égratigne encore un peu plus l'image de l'ancienne « first lady » palestinienne. Une snob qui dilapide Elle passe déjà pour une arriviste qui n'avait épousé Yasser que pour sa fortune, une voleuse, une snob qui dilapidait l'argent du peuple à coups de nuits à 1500 francs dans les hôtels de luxe de Paris. Yasser avait beau la défendre en disant qu'il était le plus heureux des maris, rien n'y avait fait. « Souha, ici, n'a jamais existé », résume Anouar, habitant de Ghaza, pourtant proche du Fatah, l'organisation politique fondée par Yasser Arafat. « Les Palestiniens n'ont jamais aimé cette femme. Sortie droit d'un magazine, elle cultivait une image à l'opposé de son mari. Lui voulait être proche du peuple, portant sa misère sur son dos. Elle était glamour. Elle n'a jamais accepté nos conditions de vie. » N'empêche, plusieurs Palestiniens crient à la trahison. « Cette femme n'a rien compris à son rôle de mère Palestine », peste Safwat. « Mais on sait qu'elle a toujours privilégié les solutions du confort. » Allusion à son exil doré en France notamment. D'autres se disent que Souha ne peut rien apporter aux Palestiniens. « Le peuple n'attend rien d'elle », remarque Madjid, militant du Hamas. « On ne la connaît pas. On n'a jamais essayé de l'adopter. Même au temps où madame Palestine en Prada était l'épouse de Yasser. » Plus philosophe, Najwa, étudiante à l'université de Birzeit, dira : « Ça montre que notre peuple ne connaîtra pas la délivrance. A l'image de Souha, chaque Palestinien est obligé d'épouser une autre identité pour exister. »