La tentation de l'exode au sein de la jeunesse algérienne est devenue un phénomène tragique. Candidats à une partance désespérée, nombre de ces jeunes – les harraga – trouvent la mort en haute mer dans des conditions abominables. Face à ce péril en la demeure, les autorités publiques s'attachent à déployer des stratégies préventives. Il s'agit de faire en sorte que les jeunes Algériens ne succombent plus aux sirènes d'un exil aléatoire. Au-delà des dangers encourus, il est manifeste que les voyageurs clandestins – venus d'Algérie ou d'ailleurs – ne sont pas les bienvenus dans une Europe qui durcit les réglementations répressives des étrangers en situation irrégulière. A côté des dispositifs de lois propres à chaque pays, force est d'observer une montée de la xénophobie dans de larges portions de cette Europe qui veut faire valoir la préférence nationale ou, au mieux, l'émigration choisie. Dans un tel contexte politique, à quelle place pourrait prétendre un jeune Algérien débarqué en France, en Espagne ou en Italie ? Le fantasme de la terre d'accueil ou de son pendant, le bateau pour l'Australie a vécu. Le temps est désormais au pragmatisme et les pays fournisseurs d'émigrés clandestins ne peuvent pas s'en remettre aux seules promesses des politiques de codéveloppement qui font déjà figure d'aumones. L'Algérie a les capacités de prendre en charge ce problème en dépit de sa réelle complexité qui implique de nombreux acteurs dans les sphères familiales, institutionnelles et sociales. L'émigration clandestine s'explique tout autant par un déficit d'insertion que par un défaut encore plus lourd d'idéal. C'est un échec imputable à toute la société que celui de n'avoir pu convaincre tous ces jeunes aspirant à l'exode que le travail, la construction patiente et digne de l'avenir sont des valeurs auxquelles tout être humain peut et doit s'accrocher. Ce ne sont toutefois pas les modèles proposés à une jeunesse qui a soif de vivre pleinement mais se sent enfermée dans le carcan des préjugés, des tabous et des interdits. La vie ne se résume certes pas au consumérisme et aux loisirs les plus débridés, mais pour beaucoup de jeunes c'est le modèle européen qui est prégnant. Ces images en trompe l'oeil d'une Europe repue, permissive, exercent une fascination mortifère sur des jeunes qui croient insensément à la chimère d'une intégration consentie. Une chose est à souligner : tous les jeunes Algériens ne sont pas dans le cas de figure de vouloir quitter leur pays dans une embarcation de fortune. Le sentiment d'attachement au pays existe et il ne faut pas basculer dans le pessimisme outré qui consiste à noircir le tableau alors qu'il convient de faire face au problème de l'émigration clandestine par des mesures qui relèvent certainement de la proximité. Créer des conditions d'accomplissement de tous les jeunes, quelle que soit leur formation, est à cet égard un axe central : l'accès au travail et au logement constituent des réponses pertinentes à cette tentation de l'exode qui peut s'assimiler à un suicide collectif. C'est une tendance forte qui ne peut pas être occultée sous peine de nourrir, dans la société algérienne, des frustrations et peut-être des dérives qui seront lourdes de conséquences.