Est-il besoin de convoquer des Etats généraux comme cette rencontre — la première du genre — gouvernement-walis organisée durant trois jours au Palais des nations — pour sérier et identifier le mal qui ronge notre jeunesse et partant, préconiser les solutions les plus appropriées pour lui permettre de sortir du tunnel ? Les difficultés auxquelles se heurte la jeunesse algérienne ne sont ni nouvelles ni méconnues des pouvoirs publics pour ouvrir ainsi, à grand renfort de publicité, un dossier poussiéreux à l'image de cette jeunesse vieillie avant l'âge. Ni les discours démagogiques des années 70 et 80, mettant en relief, avec une certaine gloriole, la priorité accordée par le gouvernement au secteur de l'éducation et de la jeunesse qui se voyait affecter, dans les plans annuels de développement, le quart du budget de l'Etat, ni les structures officielles mises en place au niveau de l'Exécutif pour, disait-on, mieux prendre en charge les préoccupations de la jeunesse, n'ont été suivis d'effet. Mieux, comme pour signifier l'échec des politiques successives de la jeunesse, si tant est qu'il ait existé des stratégies dignes de ce nom, et l'inefficacité des instruments de mise en œuvre de ces politiques, à commencer par le ministère de la jeunesse et des sports qui est paradoxalement le ministère le moins convoité, on avait innové, sous le règne de Chadli, pour créer un Haut conseil supérieur de la jeunesse. Un projet mort-né, à l'image de toutes les structures imposées d'en haut. De ces politiques, on en retient aujourd'hui que certaines actions volontaristes et franchement populistes lancées en grande pompe. Ce fut le cas avec ce pari insensé qui prétendait vouloir régler l'épineux problème du chômage des jeunes, en permettant à ces jeunes de squatter les trottoirs, et d'y installer de façon anarchique des kiosques avant que ces baraques de fortune, dont on a découvert quelques années après l'aspect hideux, ne soient livrées au bulldozer. Il y eut aussi cette opération baptisée pompeusement « jeunesse 2000 » dont l'objectif, louable au demeurant au plan de l'intention, fut de mettre à la disposition des jeunes des quartiers populeux des locaux supposés être des lieux de rayonnement culturel et où les jeunes pouvaient s'initier à l'outil informatique qui n'était pas à l'époque aussi répandu et socialisé qu'aujourd'hui. Ces lieux n'ont pas tardé à devenir des espaces où la culture n'avait que très peu de place. Pour offrir des perspectives à la jeunesse, on a créé aussi des dispositifs destinés à accompagner, en collaboration avec les banques, les jeunes qui ont des ambitions entrepreneuriales en vue de leur permettre de lancer leurs propres affaires. Combien sont-ils les jeunes qui ont bénéficié de ce système ? Décrocher un crédit n'est pas à la portée de n'importe quel jeune qui se présente aux guichets de l'Ansej. La pression de la demande sociale, les pratiques bureaucratiques, les passe-droits, qui font partie de la culture nationale, font que les jeunes, qui ont de l'ambition et des idées, ont vite fait de détourner le regard de ces structures. Dans les pays développés, les gouvernements n'en finissent pas d'affiner les dispositifs d'aide à l'emploi des jeunes par des mesures pratiques et concrètes d'allégement des charges fiscales, au profit des employeurs qui recrutent des jeunes, des contrats de préembauche pour sécuriser le stagiaire ou le jeune en formation qui n'aura pas à craindre, alors qu'il n'a pas encore son diplôme en poche, de ne pas trouver du travail. « Jeunesse 2000 » Ceci pour dire que les walis qui sont réunis depuis trois jours avec le gouvernement autour du dossier de la jeunesse ne sont assurément pas les interlocuteurs les mieux qualifiés pour parler des problèmes de la jeunesse et en son nom. Il existe en effet une multitude d'associations de jeunes qui activent au quotidien dans les quartiers, sans moyens, sans subvention et sans tapage publicitaire. Ces associations connaissent mieux que quiconque les problèmes des jeunes, leurs espoirs et leurs souffrances. Il faut désormais privilégier les actions horizontales, décentralisées et associer les jeunes à la recherche de solutions à leur vécu. Et la meilleure manière de les impliquer, c'est de les responsabiliser, de les amener à se prendre en charge en leur ouvrant l'accès aux postes décisionnels, à tous les niveaux de la prise de décision dont ils sont aujourd'hui exclus. La nomination de responsables du troisième âge à des postes au niveau des structures et des organisations gouvernementales, en charge des problèmes de la jeunesse, est sans nul doute la meilleure façon pour décrédibiliser ces structures aux yeux des jeunes. Au même titre que le débat est aujourd'hui d'actualité dans les pays démocratiques pour réserver des quotas aux femmes dans les institutions et les postes de responsabilités, il faudra œuvrer pour que la jeunesse algérienne, qui fut de tout temps marginalisée, soit représentée partout. Ce ne sera que justice au regard de son poids dans la société et des compétences qu'elle recèle, et qui sont inexploitées quand ces talents n'ont pas carrément déserté le pays pour se mettre au service de pays qui savent reconnaître les compétences.