Des associations tunisiennes ont dénoncé hier à Paris la systématisation de la torture, « devenue méthode de gouvernement » en Tunisie. « La torture a toujours existé en Tunisie, mais elle est devenue quasiment systématique, c'est une des bases du système de M. Ben Ali », a dénoncé Kamel Jendoubi, président du Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT), lors d'une conférence de presse organisée à la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) à Paris. « Cela se passe dans les locaux du ministère de l'Intérieur, dans tous les postes de police de Tunisie, dans les prisons. La torture est présente à toutes les étapes, de l'arrestation à la fin de l'incarcération », a renchéri l'avocate Radhia Nasraoui, présidente de l'Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT). Elle a souligné que cette pratique s'était intensifiée depuis l'entrée en vigueur d'une loi antiterroriste en décembre 2003. Estimant « entre 1200 et 1500 » le nombre de personnes incarcérées dans le cadre de cette loi, Mme Nasraoui a relevé que ces détenus étaient souvent jeunes – nés dans les années 1980 – et soumis à des « pratiques barbares », telles que le supplice de la baignoire ou des brûlures sur des parties sensibles du corps. Mme Nasraoui a cité des témoignages de victimes, recueillis dans un rapport réalisé par son association et le CRLDHT, qui sera publié le 10 décembre. Rappelant que la Tunisie avait ratifié en 1988 la Convention internationale contre la torture, elle a déploré « l'impunité totale » dont jouissent, selon elle, les tortionnaires, et dénoncé une justice « aux ordres et complice », affirmant qu'aucune plainte n'avait jamais eu de suite. « Ce rapport, c'est notre façon de faire notre bilan des 20 ans de pouvoir de Ben Ali, 20 ans de répression, 20 ans de souffrance », a déclaré de son côté Fatma Bouamaied, du CRLDHT.