Imad El Kebir, devenu à son corps défendant le chauffeur de bus le plus célèbre d'Egypte, a pu finalement crier victoire après un procès qui s'est déroulé sur plusieurs mois : ses tortionnaires ont été condamnés avant-hier à trois ans de prison ferme et travaux forcés. La nouvelle est de taille, car le jeune chauffeur de bus aujourd'hui âgé de 22 ans avait été au centre d'un scandale qui a secoué l'Egypte pendant plusieurs mois l'année dernière. A la fin de l'année 2006 et au moment où plusieurs révélations de cas de tortures et brutalités policières particulièrement féroces étaient relayées par les journaux indépendants depuis les sites des bloggers égyptiens, le cas de Imad El Kebir a provoqué choc et consternation. C'était en effet la première fois que les Egyptiens étaient invités à regarder la vidéo réalisée et diffusée par les tortionnaires eux-mêmes du viol d'un citoyen dans un commissariat de police. Imad El Kebir avait été arrêté après avoir tenté d'intervenir pour sortir son cousin d'entre les mains de plusieurs policiers qui le bastonnaient sur la voie publique et a fini par se retrouver lui-même au centre d'un véritable cauchemar. Insulté, frappé, violé, il avait également écopé de trois mois de prison pour avoir fait « obstruction à policiers » : trois mois qu'il a purgés et après lesquels il a décidé de poursuivre en justice les policiers qui l'avaient maltraité. Et c'est l'instrument de son humiliation, la vidéo sur CD distribuée dans son quartier qui aura finalement coûté aux tortionnaires un procès retentissant. Couvert de près par les médias et attentivement suivi par les organisations de défense des droits de l'homme, le procès s'est clos avant-hier au tribunal de Guiza sur un verdict qui semble exemplaire – trois ans de prison ferme avec travaux forcés – mais qui est en fait la peine minimale requise pour abus sexuels, le juge ayant expliqué « sa clémence à cause de la jeunesse et l'inexpérience » de l'officier de police et de son assistant. Ce qui explique la circonspection de la réaction des défenseurs des droits de l'homme en Egypte qui attendent de voir d'abord à quoi aboutira la décision d'appel introduite par les avocats de l'officier de police. « Prononcer la peine minimale dans un cas aussi retentissant que celui-là est quelque chose de préoccupant », a affirmé à El Watan, Gasser Abdelrazek, représentant régional de Human Rights Watch au Caire qui rappelle que ce n'est pas la première fois que des policiers sont condamnés par la justice égyptienne pour brutalités mais qu'en général, les condamnations sont bien plus courtes, assorties de sursis et de mesures disciplinaires suspensives. « Les trois ans de prison ferme dont ont écopé les policiers dans cette affaire sont la peine requise dans le cas d'abus sexuel, s'ils avaient été condamnés pour trois ans pour tortures cela en effet aurait été historique », dit encore Gasser Abdelrazek qui rappelle qu'en Egypte la qualification de torture ne s'applique que dans le cas d'une personne accusée de crime et qui est torturée dans le but d'extraction d'informations pour l'enquête.