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USA. Le film dans la Vallée d'Elah
Il faut sauver le soldat d'Irak !
Publié dans El Watan le 08 - 11 - 2007

Trois ans plus tard, les troupes américaines sont toujours en Irak, et le scénariste et cinéaste canadien Paul Haggis présente son deuxième film, Dans la vallée d'Elah, un long-métrage inspiré par cette enquête de Playboy.
En 2006, son premier film, Collision, avait eu six nominations aux Oscars, raflé trois statuettes et pas des moindres : meilleur film, meilleur scénario, meilleur montage. Mais pour son deuxième essai à la réalisation, le scénariste adulé de Million Dollar Baby était attendu au tournant. Après deux années de sacre par Hollywood, Paul Haggis risquait fort de décevoir. Mais Dans la vallée d'Elah relève le défi : un sujet difficile voire impossible, un scénario aussi intelligent que minutieux et un casting de stars sobres et singulièrement douées. Résultat : un film d'une beauté indiscutable et d'une conscience politique indispensable en temps de guerre. De retour d'Irak pour sa première permission, le jeune caporal Mike Deerfield (Jonathan Tucker) disparaît mystérieusement. Il est aussitôt signalé comme déserteur à ses parents, Hank (Tommy Lee Jones) et Joan (Susan Sarandon). Soldat de carrière et ex-enquêteur de la police militaire, désormais à la retraite, Hank se lance alors à la recherche de son fils et part pour le Nouveau-Mexique. Sur place, non loin de la base militaire où Mike a été vu pour la dernière fois, Hank remue ciel et terre pour le retrouver. Mais l'armée semble peu disposée à l'aider. Lorsque le corps d'un jeune homme est retrouvé dans le désert, sur un terrain militaire, Hank encaisse le choc mais poursuit son enquête, cette fois, avec le concours d'Emily Sanders (Charlize Theron), un inspecteur de police local. Face au silence et à l'hostilité croissante des autorités militaires, Hank et Emily soupçonnent bientôt un coup fourré. Les indices troublants s'accumulent, les langues des camarades de chambrée se délient et peu à peu la vérité sur la guerre de Mike Deerfield en Irak finit par éclater. Au risque de bouleverser à jamais les croyances de son père. Que l'on soit pour ou contre la guerre en Irak, il est une question à laquelle il est impossible d'échapper : qu'advient-il des hommes et des femmes qui y participent ? Comment peut-on survivre moralement aux atrocités perpétrées durant cette guerre ? Sous forme d'une lente enquête policière, Paul Haggis se penche au chevet des vétérans d'Irak, de ces jeunes soldats qui ont déjà ont appris à tuer, à torturer et, pire, à en rire. Perte de repère, perte de moralité, perte de sensibilité et une terrifiante habitude de l'impunité, celle d'octroyer la vie et la mort : c'est ce qu'illustre Dans la vallée d'Elah, probablement avec la même acuité que des films tels Voyage au bout de l'enfer ou Platoon l'ont fait par le passé pour le Vietnam. Avec une différence : l'irruption de la technologie dans ce conflit où les jeunes soldats, habitués aux jeux vidéo et nouvelles technologies, semblent quasi insensibles à l'atrocité de la guerre et de la mort. Pour incarner ces nouveaux monstres à l'écran, le réalisateur a choisi deux anciens soldats, Jake McLaughlin (caporal Gordon Bonner) et Wes Chatham (caporal-chef Penning), ainsi que deux jeunes acteurs, Mehcad Brooks (caporal Ennis Long) et Jonathan Tucker (caporal Mike Deerfield). A leur côté, une Charlize Theron et un Tommy Lee Jones au sommet de leur art, tout à l'intensité et à la sobriété de leurs personnages. En l'espace de deux heures, Paul Haggis déstabilise et terrorise son spectateur, un peu à la manière dont l'armée américaine espérait vaincre l'Irak, avec sa stratégie "shock and awe" (déstabiliser et terroriser). Mieux, il rappelle à l'Amérique ce que deviennent ses héros en Irak. Abou Ghraïb et les asiles psychiatriques ne sont pas loin, les Oscars non plus. Avec un tel film, le réalisateur est bien placé pour rafler de nouvelles statuettes en 2008.

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