Engouement n La réalité que nous vivons constitue une source dans laquelle les réalisateurs puisent leurs sujets. Plusieurs longs-métrages, débattant des questions morales et de société comme le racisme, le terrorisme, la liberté d'expression ou la tolérance envers les minorités, dominent la course aux Oscars 2006. «Il est inhabituel de voir autant de films sérieux dans une seule cuvée des Oscars», remarque Marty Grove, éditorialiste au quotidien spécialisé Hollywood Reporter. «Il y a quelques années, les films sérieux auraient été l'exception, mais en ce moment, ils sont davantage pris en considération par ceux qui remettent les récompenses, tandis que le public accueille mieux les films traitant de sujets graves, qu'il s'agisse de documentaires ou de fiction», affirme-t-il. Truman Capote, consacré à l'affaire criminelle ayant conduit l'écrivain Truman Capote à rédiger son chef-d'?uvre, le roman De sang-froid, jette un regard sans complaisance sur la morale dans le journalisme. Good night and good luck de George Clooney raconte l'affrontement entre un journaliste de télévision et le sénateur anticommuniste américain Joseph McCarthy dans les années 1950, sur le sujet toujours d'actualité du contre-pouvoir des médias face aux dérives des politiques. De son côté, le drame Collision de Paul Haggis, qui aborde la cérémonie du 5 mars avec six nominations, narre les avatars de quatre personnes issues de différentes classes sociales de Los Angeles dont les préjugés sont mis à l'épreuve. Steven Spielberg concourt cette année aux Oscars avec Munich, récit des représailles israéliennes contre les commanditaires de la prise d'otages des jeux Olympiques de 1972 et évocation en filigrane des «assassinats ciblés» actuels de l'Etat hébreu. Quant au grand favori des Oscars avec huit nominations, Le secret de Brokeback Mountain, il évoque l'histoire douloureuse de deux jeunes hommes qui tombent amoureux l'un de l'autre dans l'Amérique profonde et conservatrice des années 1960 et 1970. Cette prééminence de sujets graves dépasse la catégorie du meilleur film et du meilleur réalisateur : The constant gardener, adapté du roman de John Le Carré, décrit les man?uvres sans scrupules d'une multinationale pharmaceutique en Afrique noire. Un autre thriller, Syriana, étudie, quant à lui, les complexes réseaux de l'ombre autour de la manne pétrolière au Moyen-Orient. «Tous ces films reflètent les inquiétudes des cinéastes face à l'évolution de notre société», assure M. Grove. «Dans le monde de l'après 11-Septembre, la moralité des médias, des politiques ou des grandes entreprises est un sujet d'inquiétude, et cela donne du grain à moudre aux metteurs en scène», conclut-il.