scénariste reconnu et mainte fois récompensé, Paul Haggis, l'auteur de Million Dollar Baby, passe de la plume à la caméra. Avec Crash (Collision), il signe sa première réalisation, couronnée par trois statuettes, la semaine dernière lors de la 78e cérémonie des Oscars. Meilleur film, meilleur scénario original et meilleur montage. Crash est le genre de films qui démarre sur les chapeaux de roues, à tel point qu'on se demande, au début, si on a très envie de le finir... mais passées les dix premières minutes, on se rend compte qu'on ne décolle plus les yeux de l'écran. Ça y est, on est complètement dedans : une histoire avec une dizaine de personnages principaux qui, a priori, n'étaient pas censés se rencontrer ni même se croiser. Mais des crashs font basculer leur vie dans un seul récit entrecroisé et tentaculaire. Sans tomber dans le maniérisme, Paul Haggis et son coscénariste Moresco parviennent à créer un ensemble très homogène sur un rythme soutenu durant 2 heures. Aussi, ils manient la galerie de personnages qu'offre cette construction scénique pour faire un zoom sur les rapports humains et communautaires de nos jours. Avec cette même foi en l'homme, qu'on pouvait ressentir dans Million Dollar Baby, Crash part du principe que chaque individu est important en tant que personne et qu'il peut réaliser de grandes choses, mais démontre, en même temps, comment ces notions de libre arbitre et d'interdépendance sont aujourd'hui altérées par la haine insidieuse et la suspicion que s'inspirent les différentes communautés sociales. Dans cette situation de psychose permanente, la bonté naturelle de l'homme est plus que mise à mal et laisse la place à des pulsions incontrôlables de peur et d'autodéfense. Dans la seconde moitié du film, la mort rôde alors autour de tous les personnages et se rapproche peu à peu d'eux. Les séquences de choc se succèdent : un accident de voiture, une interpellation policière, un braquage en pleine rue... La puissance de celles-ci est démultipliée par la mise en scène percutante de Paul Haggis lequel nous projette constamment en première ligne de l'action (peut-être un peu trop). Son secret réside probablement dans sa liberté de ton qui fait de Crash un bon film, ni dénonciateur farouche ni mouton hollywoodien, mais plutôt humaniste ironique. Ironie du destin autant que de la condition humaine où le rire et les larmes se répandent et se traversent continuellement, où la roue tourne constamment, où les rôles s'inversent en une fraction de seconde entre les bons et les méchants... La mort finit toujours par surgir là où on s'y attend le moins, après s'être abstenue dans des situations qui semblaient désespérées. Si le scénario est quasi parfait, l'art de l'image n'est pas franchement le point fort de Crash. Le montage est quelque peu explicite et le cadrage est trop minimaliste. Les personnages qui parlent sont filmés en gros plan ou en plan américain, le spectateur est aveuglé par ces images. Embarqué de force dans les démonstrations, il est contraint de prendre pour argent comptant tout ce qu'on lui montre. Plus de plans d'ensemble, une perspective plus large et une vision plus globale des situations, auraient certainement donné plus de souffle et d'ampleur au film. Mais Crash n'en reste pas moins un film à voir, ne serait-ce que pour sa thématique.