Trois catégories d'étrangers bénéficieront de la nouvelle politique d'immigration française, a annoncé le ministre de l'Immigration, de l'Identité nationale et du Co-développement qui présentait jeudi à la presse un « point d'étape » de son ministère, six mois après son installation. La première catégorie concerne les ressortissants européens des nouveaux Etats membres ; la seconde, les étrangers venant de pays extérieurs à l'Union européenne ; la troisième concerne les pays hors UE avec lesquels la France entretient des « relations privilégiées ». Brice Hortefeux a par ailleurs confirmé qu'une liste de 150 métiers serait ouverte aux travailleurs de l'Union européenne et une liste de 30 métiers aux travailleurs de pays tiers. Cette seconde liste répertorie des professions exigeant, pour la plupart, des diplômes de l'enseignement supérieur. Elle pourra être complétée dans le cadre d'« accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires » avec des pays « avec qui la France entretient des liens privilégiés ». « Nous dialoguons avec les pays avec lesquels nous avons déjà ou souhaitons construire des relations privilégiées. Nous définissons, ensemble, une immigration choisie et concertée. Concrètement, dans le cadre d'accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires, nous pouvons décider de faire venir en France un certain nombre de travailleurs dans d'autres métiers que ceux qui figurent sur la liste des 30 métiers ouverts pour tous les étrangers », a indiqué Brice Hortefeux. Le ministre a cru bon d'ajouter qu'« il ne s'agira pas… d'un pillage des cerveaux mais bien d'une circulation des compétences ». Discussions Franco-algériennes Parmi ces derniers pays, le ministre a cité le Maroc et la Tunisie. L'Algérie fait-elle partie de ces accords bilatéraux ? A la question de notre consœur du Soir d'Algérie, Brice Hortefeux a répondu que les discussions entre responsables français et algériens remontent à 48 heures seulement et que, par conséquent, il était trop tôt pour en tirer une quelconque conclusion. Le ministre a toutefois ajouté que les anciens accords bilatéraux franco-algériens sont toujours en vigueur. Patrick Stéfanini, secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l'immigration, interrogé par Le Soir d'Algérie et El Watan, a indiqué, pour sa part, qu'une première réunion regroupant des hauts fonctionnaires algériens et français venait tout juste de se tenir au Quai d'Orsay – le 6 novembre – dans la perspective de la préparation de la visite d'Etat du président Sarkozy en Algérie. « L'Algérie n'a pas manifesté d'hostilité à une coopération concertée de maîtrise des flux migratoires », a précisé Patrick Stéfanini, ajoutant qu'il n'y avait pas d'exclusive à ce genre d'accord parmi les pays avec lesquels la France entretient des liens privilégiés. Il a aussi affirmé que la loi sur les tests ADN, adoptée après moult débats et controverses sera réalisée à titre expérimental dans un nombre limité de pays où il y a carence en matière d'état civil et « ce n'est pas le cas de l'Algérie ». Brice Hortefeux a annoncé que les premières cartes « compétences et talents » seront distribuées avant la fin de l'année. Pour 2008, il en promet « au moins 2000 ». La carte « compétences et talents » ne pourra être renouvelée qu'une fois « lorsqu'elle bénéficiera à un étranger ressortissant d'un pays en voie de développement inclus dans la zone de solidarité prioritaire ». Après six ans de séjour en France, son titulaire « devra retourner dans son pays d'origine, pour le faire profiter de l'expérience acquise en France ». La circulation des compétences doit se préparer « en amont » par « une politique volontariste d'accueil des étudiants étrangers », a aussi affirmé le ministre. Immigration légale en baisse Les secteurs peu qualifiés ne seront pas accessibles aux candidats à l'immigration. « Avant de recourir à une main-d'œuvre en provenance de l'étranger, il faut d'abord accompagner vers l'emploi les chômeurs présents en France », qu'ils soient Français ou pas, a justifié M. Hortefeux, rappelant que 22% de la population immigrée légale sont au chômage. M. Hortefeux a aussi affirmé que « tous les immigrés légaux ont vocation à être intégrés ». Et il avance quatre domaines : le logement « afin de réduire l'effet de ghetto » ; l'apprentissage du français ; les repères donnés aux familles étrangères à travers le « contrat d'accueil et d'intégration pour la famille » instauré par la loi qui vient d'être votée ; et « surtout le travail ». Le nombre de migrants autorisés à s'installer en France a été de 191 475 en 2006, soit 5% de moins en trois ans. Le nombre d'immigrés clandestins a baissé, la diminution de 4% des bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat au cours des neuf premiers mois, en atteste Brice Hortefeux. En matière de lutte contre l'immigration clandestine, le ministre a avancé le chiffre de 18 600 étrangers en situation irrégulière « éloignés » depuis le début de l'année. Un chiffre inférieur à l'objectif fixé par Sarkozy de 25 000 « éloignements ». Brice Hortefeux a justifié cette baisse par l'insuffisance de résultats dans les cinq premiers mois de 2007, avant son arrivée, et par l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'Union européenne. Toutefois, si l'on ajoute les chiffres de l'outre-mer, le nombre total des « éloignements » de janvier à octobre est de 39 982, soit « légèrement supérieur » à celui de la même période de 2006 (39 900). Devant 120 représentants de médias français et internationaux – c'est dire l'intérêt que le sujet suscite dans le milieu médiatique –, Brice a justifié la nouvelle politique de maîtrise des flux migratoires par six raisons : « le système français d'intégration a échoué » ; « la France n'a pas besoin d'une immigration massive pour soutenir une démographie défaillante » du fait que « la France a la démographie la plus dynamique d'Europe » ; « la capacité d'accueil de la France est tout simplement limitée » ; « l'expérience nous a appris qu'en matière de gestion de l'immigration, tout laxisme se paie cher » ; « la nouveauté fondamentale de notre politique consiste à se préoccuper, pour la première fois depuis trente ans, non pas seulement de la France mais aussi des pays d'origine. C'est cela l'immigration choisie et voulue par le président de la République » ; la France « est le pays qui a déjà accueilli au cours des dernières décennies le plus grand nombre d'étrangers : jusqu'à 400 000 par an dans les années 1960-1970 ». Il a précisé qu'il agissait « sans idéologie ni posture » tant la politique d'immigration qu'il œuvre à mettre en place sur les orientations du président Sarkozy est décriée et objet de polémique et de controverse. Indiquant que sa politique « ne se réduit ni à des chiffres ni à des lettres (« ADN », du controversé amendement de sa loi sur l'immigration), Hortefeux a fait valoir que le codéveloppement est la « seule solution permettant de maîtriser les flux migratoires ». Pour 2008, le programme « codéveloppement » est doté de 29 millions d'euros de crédits de paiement.