Brice Hortefeux, fidèle parmi les fidèles de Nicolas Sarkozy, doit concevoir et mettre en œuvre le nouveau ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Co-développement. Voulu par Nicolas Sarkozy, c'est le ministère le plus politique du gouvernement et le plus controversé. La tâche ne sera pas aisée. L'idée d'amalgamer l'immigration et l'identité nationale a fait réagir des pans entiers de la société civile et politique. Ainsi, la nomination de Brice Hortefeux à ce ministère a été accueillie par la démission le jour-même de huit des douze historiens qui composent le comité d'histoire de la future Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI). « Il n'est pas dans le rôle d'un Etat démocratique de définir l'identité », affirment ces chercheurs parmi les plus prestigieux (dont Patrick Weil et Gérard Noiriel). « Ce rapprochement s'inscrit dans la trame d'un discours stigmatisant l'immigration », dénoncent-ils. « Là où le pari de la CNHI était celui du rassemblement tourné vers l'avenir, autour d'une histoire commune que tous étaient susceptibles de s'approprier. » « Régression historique » Le musée de l'histoire de l'immigration, voulu par Jacques Chirac, doit ouvrir cet été. « Mon rôle est d'expliquer que cette confusion est une régression historique. Il ne faut pas schématiser et faire de l'immigration un ‘'problème''. Selon moi, il n'y a pas de raisons d'associer la naturalisation au contrôle des frontières dans un même ministère, de regrouper des domaines distincts. On sent d'ailleurs dans la politique menée un ciblage vers certaines origines par rapport à d'autres. On veut empêcher certaines nationalités d'entrer en France, restreindre certains visas », explique Patrick Weil à Libération. Il précise aussi qu'« il n'est pas cohérent historiquement d'associer le droit d'asile au regroupement familial. Ce nouveau ministère risque d'être débordé et de ne pouvoir remplir ces fonctions ».Pour leur part, les membres du collectif Uni(e)s contre une immigration jetable ont également critiqué la création d'un tel ministère, affirmant que lorsque « l'Etat s'approprie l'identité nationale, la xénophobie est là ». L'idée d'un ministère de l'Immigration qui regrouperait « toutes les administrations responsables de ce dossier », avait été évoquée pour la première fois par Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était encore ministre de l'Intérieur en charge de l'immigration, en décembre 2006. Jusqu'à présent, les services qui s'occupent des étrangers sont dispersés entre 4 ministères. Ainsi, l'asile est du ressort de l'Office français des réfugiés et apatrides (Ofpra), sous tutelle des Affaires étrangères qui gèrent également la délivrance des visas. L'accueil et la nationalité sont gérés par la direction des populations et des migrations (DPM) qui dépend du ministère de la Cohésion sociale. Les titres de séjour relèvent de la direction des libertés publiques du ministère de l'Intérieur de qui dépend également la Police aux frontières (Paf). Les mariages avec des ressortissants étrangers sont, eux, du ressort du ministère de la Justice. « Rupture », « fermeté » et « rigueur » Durant sa campagne, le candidat Sarkozy avait provoqué une intense polémique, en proposant la création d'un « ministère de l'immigration et de l'identité nationale ». Dénoncée par la gauche et les centristes, la proposition de Nicolas Sarkozy a suscité des réserves jusque dans son camp. « Je n'ai pas du tout aimé cette formule très ambiguë. J'aurais préféré parler d'un ministère de l'Immigration et de l'Intégration », avait ainsi déclaré Simone Veil dans un entretien dans l'hebdomadaire Marianne. Début 2007, alors qu'il était encore ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, lors d'une conférence de presse thématique, soutenait que les difficultés ne proviennent pas de l'immigration en soi, mais de la manière avec laquelle elle est organisée depuis quarante ans. « Ce qui domine, c'est l'immigration sans emploi, sans qualification », mettant en cause les « politiques de régularisations massives décidées par des gouvernements de gauche » de 1981 à 1997. Et d'affirmer avoir impulsé une « rupture » dans la politique de l'immigration depuis 2002 et jeté les bases d'une « immigration choisie et régulée ». « C'est une rupture qui est le résultat direct de notre politique de fermeté et de rigueur », avait-t-il insisté, affirmant avoir redressé la barre « d'un navire qui était à la dérive ». Il avait souligné que le nombre des titres de séjour s'établissait en 2005 à 187 000, soit une baisse de 2,6% par rapport à l'année précédente. Toutefois, la baisse de près de 8% des étudiants étrangers et la stagnation des titres de séjour pour motifs professionnels montrent que bloquer l'immigration familiale ne suffit pas à rendre le pays attractif aux catégories d'étrangers que Nicolas Sarkozy veut séduire par sa politique d'« immigration choisie ».