Sarkozy s'empresse de donner des gages aux lepénistes et autres esprits chagrins d'une histoire coloniale révolue comme, par exemple, les nervis de l'OAS à qui il n'a cessé de rendre hommage. Le nouveau président français veut inaugurer sa nouvelle Assemblée nationale par une nouvelle loi sur l'immigration, encore plus restrictive. Après avoir délivré de nombreux messages quant à son souhait de voir s'établir l'union de la Méditerranée avec les partenaires français du Sud de cette mer en partage, Sarkozy s'apprête à faire voter une loi en porte-à-faux avec ses annonces. La nouvelle loi sur l'immigration, que son nouveau département ministériel a déposée hier sur le bureau du Conseil d'Etat, ne vise-t-elle pas en premier lieu les ressortissants du sud de la Méditerranée qui constituent, pour des raisons évidentes et connues de tous, les origines des dernières vagues d'immigration vers la France ? Alors que la nouvelle Assemblée nationale n'est même pas définitivement élue, Brice Hortefeux, le ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, a ficelé, en un temps record et en pleine campagne électorale, ce projet de loi destiné à durcir les conditions d'accès au regroupement familial des immigrés. En l'annonçant comme le premier chantier à être débattu cet été par la nouvelle Assemblée française, très majoritairement de couleur bleue, sa couleur fétiche, Sarkozy ne fait pas que renvoyer l'ascenseur à ses électeurs de l'extrême droite. La précipitation n'est pas que d'ordre électoraliste. Chez Sarkozy, l'immigration a toujours été un exutoire. Sa nouvelle loi dresse un vrai parcours du combattant pour l'immigration dont, pourtant, lui aussi en est issu. Ses parents sont d'origine hongroise et son père a même servi dans la Légion étrangère, après la Seconde Guerre mondiale à Sidi Bel-Abbès, en Algérie sous le joug colonial. La version Sarkozy de la loi sur l'immigration ne vise qu'à tarir le flux d'immigration vers la France qui fonctionnait déjà au compte-gouttes. D'abord, dans la France de Sarkozy, il sera pratiquement impossible à un immigré de faire venir en France un membre de sa famille. Derrière les histoires d'évaluation du degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République française, c'est tout simplement un mur qui est dressé à tout immigré résidant légalement en France et désirant faire venir auprès de lui sa femme et ses enfants, pour vivre dignement selon les principes humains universels dont la France se défend d'être le meilleur avocat. Les services des AE français organiseront, dans les pays d'origine de l'immigration, des formations pour les candidats au regroupement familial. Le texte, pour ne pas attirer le courroux de la Cour européenne de justice et des ONG des droits de l'Homme, promet qu'une attestation de suivi doit permettre d'obtenir un visa de long séjour en France et, “éventuellement”, d'entamer une procédure de regroupement familial. Brice Hortefeux, lui, ne s'est pas gêné de dire qu'il n'en sera rien en rappelant la détermination de Sarkozy de diminuer la part de l'immigration familiale. Mais, comme l'économie française a, et aura, de plus en plus, besoin de “bras” et de “cerveaux”, pour ne pas rester à la traîne dans les statistiques, en Europe et dans le monde, y compris dans ceux intégrant des pays émergents, le ministre de Sarkozy a laissé entendre que l'immigration économique sera, par contre, “encouragée”. Et d'affirmer que celle-ci ne représentait aujourd'hui que 7% des flux migratoires vers la France. Un chiffre à prendre, néanmoins, avec précaution sachant le degré de verrouillage des frontières françaises. La création d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, qui a été l'un des engagements forts de la campagne présidentielle de Sarkozy, a suscité de nombreuses critiques en France et pas seulement à gauche. Ce nouveau ministère est, en effet, la consécration de la “droitisation” des institutions françaises, bien que, officiellement, son concepteur se défende de ne chercher qu'à mettre de la cohérence dans la politique d'immigration en regroupant des compétences qui étaient jusque-là, il est vrai, éclatées entre plusieurs ministères. Les visas et l'asile dépendaient des AE, les titres de séjour de la Direction des libertés publiques du ministère de l'Intérieur, l'accueil et les naturalisations du ministère de l'Emploi, l'acquisition de la nationalité par mariage de la Justice. Mais Sarkozy a le mérite d'avoir dit, dès le départ, que son nouveau ministère, c'est surtout pour mettre en œuvre sa politique d'immigration choisie, promue par la loi du 24 juillet 2006, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur dans le dernier gouvernement de Chirac. En fait, dans sa nouvelle mouture, il n'a fait que donner un tour de vis supplémentaire à l'immigration. Hortefeux, sarkozyste de première heure, doit durcir les conditions du regroupement familial et définir des plafonds annuels d'entrée par catégories en fonction des besoins exprimés en main-d'œuvre par le patronat. Pour l'intelligence, la France compte sur les étudiants étrangers chez elle et qu'elle compte siphonner dans les pays francophones. Mais, les meilleurs d'entre ces derniers préfèrent aller ailleurs où les conditions sont moins contraignantes et où la recherche est restée une grande valeur. D. Bouatta