Nouvelle leçon leitmotiv totale : un drapeau à droite ou à gauche de l'estrade ; l'hymne national déclamé matin et après-midi, dans toutes les classes d'Algérie. C'est l'annonce révolutionnaire, opérée cette semaine, par le ministre de l'Education Benbouzid. Elle a été faite, comme de juste, au moment où un « évènement » a été moussé au point d'être inscrit à l'agenda du Conseil du Gouvernement et commenté à profusion via télé, radios et journaux. L'hymne national tronqué dans des manuels scolaires méritait bien réaction d'indignation bien sûr ; encore fallait-il circonscrire les maillons de la chaîne des responsabilités. Jusqu'au ministre, dont les deux inspecteurs incriminés en moutons à sacrifier, ont témoigné qu'il a été au courant du forfait en forge déjà. Dans le fond la question fondamentale est-elle vraiment de savoir qui est responsable et qui est coupable dans cette atteinte aux valeurs symboliques de la nation, et de l'Etat algérien ? Instrumenté, l'évènement a largement permis aux conservateurs alignés contre le projet de réforme de l'Ecole, de faire un maximum de bruits dans l'enceinte de ce qui nous tient lieu d'Assemblée nationale. Pour, une fois de plus, éloigner aux calendes grecques la possible entrée de nouvelles générations de jeunes algériens dans les valeurs universelles. Ce jeu feuilleton du chat et de la souris ne peut plus être remis en activité, sauf à accepter que le ministre de la République tolère que le mot réforme soit vidé de son sens et dilué en cryptogramme d'une amulette maraboutique. L'acte pédagogique interpelle d'abord de raison, de conscience et d'humanité. Et non pas de peur et d'embrigadement. Avant que M. Benbouzid ne soit au poste - depuis une décennie - de décider au premier chef de l'éducation nationale, il y a eu, si éphémère passage, à la tête de ce ministère le regretté Mostefa Lacheraf, patriote et savant. De cette séquence de l'histoire du pays (1977/2007), la société algérienne a été écorchée par la barbarie intégriste. Mostefa Lacheraf, dans un rigoureux audit, a identifié des graines de cette violence dans le système éducatif aussi. Une monumentale annexe de l'usine à fabriquer ce qu'il a appelé « la religiosité de choc ». On ne sait pas si M. Benbouzid peut bonifier son temps à méditer les enseignements de Lacheraf. Il y trouverait des clefs de décryptage de l'osmose entre « religiosité de choc » et pédagogie de choc.