Dans cette agréable banlieue située au sud d'Alger, l'artisanat n'est pas de mise. En sillonnant les différentes artères, de nombreux visiteurs furent déçus, ils n'ont pas pu faire une belle halte jugée méritée au seuil d'un atelier évoquant le passé si riche de la localité. Leur désappointement se justifie. « Comment une telle ville réputée autrefois par ses vergers, par ses terres fertiles et par ses norias, n'abrite pas la moindre remise d'un quelconque artisan ? », s'interrogent-ils avec dépit. Point de forgerons ni de maréchaux-ferrants. Les bourreliers comme les vanniers et les menuisiers ont disparu après que la bonne terre eut été ensevelie sous des masses de béton. A l'urbanisation effrénée que l'administration a tolérée aux dépens des terres agricoles hautement rentables, s'ajoute la disparition de toutes les activités évoquant légendes et coutumes du vieux terroir. « Pourtant, des photos scrutées lors des expositions attestent l'existence des ateliers d'artisanat implantés à Birkhadem où l'on apprenait et exerçait des métiers divers », a remarqué A. Idir. Allusion faite à une photo datant des années d'avant-guerre. Celle-ci représente l'ouvroir de Birkhadem où l'on confectionnait des ouvrages de vannerie. L'irritation monte d'un cran. Les mêmes visiteurs remarquent des locaux commerciaux aménagés au pied de constructions récentes mais dénuées de style architectural.L'écoulement de pacotilles provenant de l'importation y est favorisé. Mais en transitant par la rue Kettou, située en contrebas de Haouch Meziane, la mise est sauvée ! Un atelier de vannerie y est implanté. Il a résisté aux caprices du temps et du changement. On le considère comme l'unique dans tout l'Algérois. A l'intérieur de la modeste remise aux murs chaulés, Akli Nebri, le dernier des vanniers qui n'a pas accepté de troquer sa serpette, s'applique avec un doigté incomparable à achever un ouvrage. « Malgré la précarité et une faible acuité visuelle, il tient jalousement à son métier », remarque H. Ould Mohand, président de l'association Le Défi qui est venu nous rejoindre. En sa compagnie, nous sillonnons les venelles du vieux Birkhadem. Nous débouchons sur un atelier de cordonnerie sis à la rue Smaïl Ouamrane. Il est depuis 1963 tenu par M. Hamoum. « Ecoliers que nous étions, nous lui refilions à la veille de la rentrée scolaire nos paires de chaussures usées et nos cartables en cuir pour les récupérer. Il ne refusait aucun ouvrage. Il les retapait à merveille et permettait à nos parents de préserver leurs maigres économies. » Tels des intrus, nous avons fait irruption en quête d'une réconciliation avec les valeurs d'autrefois. La modestie, mais surtout l'amour du travail et l'attachement aux métiers transmis. L'artisan, un octogénaire que la charge des ans n'a pu mettre un terme à sa persévérance, déclare : « Cette machine à coudre a plus de 50 ans. Moi, j'en ai 82, et je continue à travailler. Il est vrai que je gagne peu mais honnêtement. J'ai toujours refusé de cesser mon activité car le travail, c'est la santé », dit-il humblement. Pour sa part, M. Ould Mohand n'a pas hésité à comparer le geste de cet artisan au « geste auguste du semeur ». Par coïncidence, la rue où est implanté l'atelier, s'appelait autrefois rue Victor Hugo. « On sent à quel point il doit croire à la fuite utile des jours », conclut le président de l'association