En cette fin décembre 2005, un grand nombre de visiteurs nationaux et étrangers se sont précipités à Timimoun. Jamais peut-être cette cité du Sud n'a mérité cette réputation de ville cosmopolite renvoyant une image des plus bariolées. “C'est magique. Je n'oublierai jamais mon premier séjour à Timimoun. Il me marquera définitivement”, s'épanche, tout émerveillée, Hamida, une Française d'origine algérienne. Venue au Sahara avec ses amis de l'Agence de promotion des cultures et du voyage, histoire de se dépayser, elle regagnera sa banlieue parisienne totalement envoûtée par la beauté magique de l'Oasis rouge. Les Zénètes ? Elle les trouve philosophes, joyeux et festifs. Le vieux ksar ? Mystérieux. Amoureuse des grands espaces, elle se félicite presque de la rusticité de Timimoun, de l'absence de modernité et surtout du béton. Son ami Billy, un jeune lycéen, n'en est pas moins charmé. “C'est la première fois que je viens dans le désert algérien. On se sent bien ici. Les gens vivent simplement”, se confie-t-il. Michel. C, lui, est toujours épris du Gourara de sa jeunesse. Un amour d'une telle force que, même après un éloignement de 50 ans, il l'a poussé sur les chemins du retour au “bercail”. “J'ai vraiment de la nostalgie. ça fait 50 ans que je pense y revenir. Timimoun est un rêve pour moi. Ma jeunesse je l'avais passée ici”, explique-t-il humblement. “Il y avait le plateau, le Bordji rouge, la palmeraie verte, la sebkha blanche et, au loin, l'erg couleur sable. Cette mosaïque de couleurs est un spectacle magnifique”, se laisse-t-il transporté. Et de promettre qu'à la prochaine visite, il reviendrait avec sa fille. C'est qu'on ne repart jamais indemne d'un séjour, aussi bref soit-il, dans le mythique Gourara. Ici, la nature, l'espace, les hommes… tout est fait pour charmer. Conquérir les cœurs. Attirer les férus du beau, de l'espace. Aussi, en ce fin décembre 2005, un grand nombre de visiteurs nationaux et étrangers s'est précipité sur Timimoun. Jamais peut-être, cette cité du Sud n'a mérité cette réputation de ville cosmopolite, qu'en ces jours de fin d'année, en renvoyant une image des plus bariolées. Il y a de tout : des Blancs, des bruns et des Noirs. Certains, les autochtones, sont vêtus à la traditionnelle ; les hommes en burnous, la tête recouverte d'un chèche, et les femmes en djellaba. D'autres, les touristes étrangers et nationaux, à l'européenne. De jeunes couples, main dans la main, déambulent nonchalamment et en toute quiétude. La journée, la ville grouille de monde. Les bicoques d'objets de l'artisanat sont toujours prises d'assaut par les touristes. Au milieu de la route principale, trône le mausolée du wali Moulay Hocine. Par sa couleur blanche, il se distingue des autres bâtisses à la même forme architecturale qui sont légion à Timimoun. Presque toutes les maisons sont peintes en rouge ocre virant vers le grenat. Reflux de touristes : l'absence de transport aérien en cause C'est dire combien les atouts de Timimoun pour attirer plus de touristes sont immenses. À écouter pourtant les uns et les autres, ce n'est pas le rush cette année. À peine 3 000 touristes l'année dernière alors que début 90, ils venaient par dizaines de milliers. Les causes ? Si le terrorisme islamiste en est pour quelque chose, il n'explique pas tout. Pour Mustapha Djebaïli, directeur de l'agence Gourara, “les autorités locales ne font rien pour améliorer les choses, embellir la ville par exemple. Bien plus, elles ne laissent pas la place aux professionnels”. “Ce n'est pas ce qui manque à Timimoun”, remarque-t-il sentencieusement. Le transport en premier chef. “Air Algérie n'assure qu'un seul vol par semaine. Du temps de Khalifa, il y en avait 4. Les gens ne veulent pas venir par route. Le voyage est très long. Pour ce qui est des touristes étrangers, ils veulent une liaison aérienne directe entre Paris et Timimoun. Ils refusent de faire escale à Alger”. Faute d'une liaison aérienne directe entre Paris et Timimoun, 70 touristes français n'ont pu faire le déplacement. Ne parlons pas des tracasseries administratives rencontrées par les touristes. Il plaide aussi pour le classement des hôtels du Sud dont les prestations laissent à désirer. “Il y a beaucoup de problèmes à Timimoun. Pour que l'activité touristique reprenne de plus belle, l'Etat doit être à la hauteur. Il faut favoriser le Sud et accorder des crédits bancaires pour les professionnels qui veulent acquérir des véhicules”. Tout en déplorant le manque de moyens dont dispose la commune, M. Mohamed Selkh, président de l'office du tourisme à Timimoun, et néanmoins vice-président de l'APC, dénonce l'incivisme des citoyens qui jettent des détritus un peu partout. Une absence de propreté qui révulse Mokrane, un peintre d'Alger installé depuis 4 ans à Timimoun. Et qui s'écrie : “La région est belle et magnifique. C'est ma source d'inspiration. Les étrangers l'aiment bien, mais il y a trop de saletés dans les rues. C'est une honte”. Il regrette aussi l'état de dégradation dans lequel se trouve la palmeraie, “le poumon de la ville”, comme il l'appelle. Un responsable local de l'ONAT, lui, s'offusque du nombre réduit d'infrastructures qui, en plus, sont obsolètes. Une multitude de carences qui n'a en rien empêché les touristes d'y venir. Certes, ce n'est pas le grand rush. Mais tout de même. çà et là dans la ville, on croise souvent des Européens, des Français particulièrement. Cette année, l'un des visiteurs de marque de Timimoun n'est autre que Patrick Poivre d'Arvor, le présentateur vedette du journal télévisé de TF1, avec sa femme et son enfant. Il a élu domicile à la résidence Sonatrach. Les autres Européens, comme ceux venus avec l'association Les Amis de Timimoun sont hébergés, pour la plupart, dans des familles qui leur cèdent leur maison. Dans des campements aussi. Rencontrés dans la cour d'une maison, Daniel Emery, président de l'antenne française de l'association Les Amis de Timimoun, et sa bande de copains chantent, chacun avec son air, la beauté magique de Timimoun. Véritable personnage de roman, “Hadj Emeri” — on l'appelle ainsi à Timimoun —, se désigne sans fausse modestie comme un “ould bled”. Et pour cause, il avait vécu de 1978 à 1983 à Adrar. “Je viens tout le temps ici. C'est féerique”, lâche-t-il. Ce passionné du désert a enregistré, 3 jours durant, tous les chants de l'Ahellil, pour les préserver d'une disparition certaine. Grâce à l'appui du ministère de la Culture, ce genre de chant est inscrit depuis novembre comme patrimoine universel. Emmitouflé dans un burnous, il nous raconte les projets qu'il nourrit pour Timimoun. Et des touristes algériens ? De loin, ils sont les plus nombreux. Les Algérois en tête. Les friqués viennent avec leurs propres véhicules en prenant des chambres à l'hôtel Gourara ou en habitant chez des amis. Certains ont même des maisons ici. D'autres, par le biais d'agences de voyages, comme Nazim et Amina du Télemly. Comment trouvent-ils Timimoun ? “C'est féerique. C'est le dépaysement le plus total. On a visité Aghalad, Kali… On a fait le tour de la sebkha. Je compte y revenir”, s'exclame Nazim. “Ce qui m'a plu le plus, c'est le vieux ksar et les dunes. L'air pur aussi. Les gens d'ici sont généreux et hospitaliers. Timimoun est une destination à conseiller aux gens”, renchérit Amina. Quelque peu aigri, Lotfi-Hamza de Dély- Ibrahim, lui n'est pas très content de son séjour à Timimoun. “C'est la 4e fois que je viens ici. Il n'y a pas de tourisme dans ce pays. Il n' y a pas de sécurité. Lors d'une soirée au campement, des filles ont failli être agressées. Des gens ont voulu sauter par-dessus la muraille”, peste-t-il. Une auberge trop petite Une autre catégorie de touristes enfin, les aubergistes, ils viennent en voyage organisé. L'auberge de Timimoun ne désemplit pas. Elle reçoit sans cesse des vagues d'aubergistes venus du nord du pays. Aussi son directeur, Abdelkader Keroum, se plaint-il de l'exiguïté de sa structure et de sa capacité réduite à faire face à un tel flux. Depuis l'ouverture de la saison estivale, pas moins de 300 touristes ont été hébergés par son établissement. À peine 6 chambres pour une moyenne de cinquante personnes. Venu d'Alger pour faire le circuit de la boucle de la Saoura, un groupe d'une cinquantaine de personnes d'Alger et de Tipasa (Mohamed et sa femme de Hadjout, Smaïl le chauffeur, Sabrina de Larbaâ…) mené par Saliha de Hadjout, une retraitée du secteur de la jeunesse, a passé deux jours à l'auberge. Non sans se payer des sorties dans le désert. Entre autres, celle qui les a menés à Aghalad pour admirer le ksar du même nom et celui des nains ; à Kali pour s'offrir quelques objets de l'artisanat vendus par des fillettes, assises à la file sur le bord de la route ; pour voir de plus près les fameuses fougarras et enfin, comme pour boucler la boucle, s'engouffrer dans la mystérieuse grotte d'Ighzar. Hamid, un enseignant de mathématiques à Sidi Ali Bounab, juge le circuit “formidable”. “Nous avons des sites merveilleux mais, malheureusement, il y a beaucoup de laisser-aller”, regrette-t-il. Dahbia, une animatrice, déplore, elle aussi, le manque de propreté dans la ville, ce qui est assez dégradant pour la renommée de Timimoun, qui est une destination touristique internationale. Cependant, on ne vient pas à Timimoun, uniquement pour découvrir et admirer le désert. Mais aussi pour célébrer le Nouvel An. Quelques jours avant la grande fête, les hôtels ont affiché complet. La nuit d'avant le premier, des soirées dansantes sont organisées dans les campements et à l'hôtel Gourara pour les nantis d'ailleurs. De la terrasse de l'hôtel, on domine la palmeraie, la sebkha et les dunes qui offrent ainsi une vue des plus pittoresques. Pour les gens de Timimoun qui tiennent à réveillonner, ils sont très peu, les responsables de l'hôtel leur ont aménagé un sous-sol en guise de bar ou l'on s'est adonné, jusqu'à une heure tardive de la nuit, à des beuveries un peu débridées. Autour du bar et même à l'intérieur, des gosses assistaient joyeusement à ces saouleries. La fête du Nouvel An mérite bien quelques incartades. A. C.