La Kabylie est l'une des perles, et disons-le tout net, la plus belle du patrimoine touristique algérien. S'étendant en réalité de Thénia dans la wilaya de Boumerdès à Jijel, la Kabylie montre des paysages variés et des sites enchanteurs alliant les mamelons doucement surélevés aux pics inaccessibles du Djurdjura, des plaines fertiles et riches traversées par des oueds dont certains savent encore couler en été. Contrairement à ce que beaucoup pensent, la Kabylie n'est pas entièrement contenue dans les seules wilayas de Tizi Ouzou et de Béjaïa, mais s'étale également sur une grande partie des wilayas de Bouira et de Boumerdès. Longtemps, le pays a tourné le dos au tourisme comme il a, d'ailleurs, ignoré l'agriculture. Mais il vient de s'éveiller, un peu durement peut-être, à l'économie de marché et ce faisant, se doit de mettre les bouchées doubles pour assurer une place dans ce secteur que d'autres ont su investir à temps. Le Sud féerique avec les oasis de Taghit et de Béni-Abbès dans la région sud-ouest du pays, Timimoun la Rouge dans le Grand Sud et Ghardaïa avec Béni-Isguène la bien gardée, les sables blonds des magnifiques dunes d'El-Oued ou encore les gorges de Sidi Bou-M'cid à Constantine, la Mahouna à Guelma, pour ne citer que quelques lieux combien attirants et grandioses, sont pourtant des atouts remarquables. Mais voilà, il fallait que le pays passe par là et que l'économie se «ramasse» pour que l'on puisse de nouveau rêver sérieusement à exploiter ce que l'on possède comme richesses pérennes. Il est vrai que l'Algérie a connu des années plus que difficiles avec l'apparition d'une violence aveugle et meurtrière. Mais désormais, il semble bien que la page est en train d'être tournée et que le rêve est permis. Pour aller en Kabylie, cette région pleine d'histoire et combien légendaire avec ses valeurs d'honneur et son histoire des hommes, il faut peut-être commencer par prendre le départ depuis Alger, en empruntant la voie rapide de l'Est. Au niveau de Thénia, l'ex-col des Ath-Aïcha, on bifurque sur la gauche, en prenant la RN 12 pour traverser une suite de villes et villages aussi sympathiques qu'intéressants. L'on peut s'arrêter un instant à Si Mustapha et on peut avec un peu de chance se faire raconter par les villageois l'histoire de Firmus et Gildon, les princes berbères qui tinrent en haleine les légions de Rome. A Legata, si on désire faire un crochet par ce petit hameau des Issers, on peut vous raconter comment les tribus locales ont fait prisonnier avant la conquête, un navire français. Les Issers n'est pas loin avec son marché du jeudi qui offre toute une panoplie d'articles et surtout on peut y acquérir un mouton à un prix raisonnable. De là, on a le choix : ou on prend à droite vers Chabet - El-Ameur et Tizi-Gheniff puis Draâ El-Mizan ou on continue sur Bordj-Ménaël et Tizi Ouzou. Sur la route de Tizi Ouzou Dans ces endroits : Thenia, Legata, Issers, Bordj-Ménaël et d'autres, la Kabylie a souffert et vu des dizaines de ses enfants emportés par le séisme. Voyageur, arrête-toi un peu pour partager avec cette région un peu de ses souffrances. En ce temps-là, alors que la colère était encore vive et que des jeunes manifestaient encore dans les villes et les villages de Kabylie, la nature déchaînée a fait son oeuvre. Aussi délaissant pour un temps l'ire et la violence, venus de toute la région, des jeunes et des moins jeunes, souvent avec seulement leur coeur en bandoulière ont afflué sur les villes et les villages martyrs. Ils ont d'abord, aidé les secouristes, joué eux-mêmes durant les premiers instants, ce rôle puis ils ont essayé de ramener les autres, les blessés et les sinistrés à la vie. Ils ont tout donné : leur temps, leur jeunesse, leur amour et leurs biens ! Ils ont été magnifiques devant l'épreuve ! La nation peut se souvenir de cette belle leçon de patriotisme assénée simplement et en silence à ceux qui pensent que le nationalisme est une simple question de discours! A Bordj-Ménaël, la cité martyre, le voyageur ne reconnaîtra certainement pas la ville. Certes, il peut encore s'y arrêter et voir une population nommée courage en train de réapprendre le sourire difficilement ! Cependant, et avant de quitter ces lieux, il y a aussi à rendre visite à cet hôpital, celui de Bordj-Ménaël, qui fut le «fort de tout l'honneur» et rendre discrètement, car ici les gens n'aiment pas le montrer, l'hommage mérité! A partir de Bordj-Ménaël, on peut bifurquer à gauche et aller vers le Nord rejoindre Cap-Djenet et sa grappe de villages côtiers : Souanine en est le bel exemple ! Là, dans ces villages et hameaux, on peut faire provision de fruits et légumes et rejoindre Dellys ou alors reprendre à partir de Baghlia la route menant à Tadmaït et de là vers Draâ Ben-Khedda et Tizi Ouzou. A Tadmaït, on peut prendre quelques instants de repos, la ville est agréable et les habitants ont le coeur sur la main. Si vous rendez visite à la mairie du coin, vous pourrez voir dans le bureau du président de l'APC, le dernier représentant de la faune sauvage ayant vécu dans le massif Sidi-Ali-Bounab et abattu par un chasseur de la région en 1926. A Draâ Ben-Khedda, le voyageur peut s'arrêter et faire ses emplettes, notamment, en fruits et légumes frais dans les marchés locaux bien achalandés. De là à Tizi Ouzou, il n'y a qu'un pas. La région traversée a toujours joui d'une certaine réputation, un peu surfaite celle d'une région où la sécurité n'est pas aussi sûre qu'ailleurs. Certes, on y recense bien quelques actions terroristes ici et là, mais il n'y a vraiment pas de quoi s'alarmer. Il semble même depuis quelque temps que ce soit l'une des régions les plus sûres. Tizi Ouzou : capitale du Djurdjura Tizi Ouzou, la ville du col des Genêts est un bijou dans un bel écrin ; entourée de mamelons et de collines, la ville est un véritable chaudron, l'été. Mais elle sait attirer le voyageur et, la mâtine, elle sait aussi le retenir. Le visiteur a le choix entre les divers hôtels de la ville : Amraoua et Lalla Khedidja, des hôtels de haut standing, voisinent avec des hôtels de moindre rang certes, mais tout aussi confortables. Ce n'est pas à Tizi Ouzou que le voyageur peut trouver du mal à se loger. A partir de Tizi Ouzou, il peut rayonner à travers la wilaya. Il peut utiliser son véhicule où, s'il en a envie, utiliser cette flottille de fourgons aménagés pour le transport de voyageurs et qui sillonnent les villes et les villages de la wilaya. Mais il semble d'abord que l'invité veut d'abord faire connaissance avec la ville. Il peut monter vers le Belloua et de là s'offrir le panorama de la cité ou encore aller sur la route menant à Béni-Douala et au niveau de la stèle dédiée à Matoub Lounès, s'émerveiller du spectacle qu'offre la ville qui s'étend à ses pieds. Tizi Ouzou est une cité grouillante de monde la journée, les étudiants en force donnent à la ville un charme juvénile certain. Un peu comme toutes les grandes métropoles, la ville peut paraître un tantinet sale au visiteur, ce qui est inévitable avec les travaux de la troisième trémie. Des gens peuvent trouver le projet au moins désagréable et Tizi Ouzou un peu défigurée. Mais les services des travaux publics semblent sûrs de leur fait et le citadin supporte la poussière et le bruit, ainsi que d'autres désagréments avec un stoïcisme olympien. Pourvu qu'ils aient raison et que la circulation devienne fluide. La cité a souffert de la révolte de ses jeunes gens, une révolte qui a duré dans le temps et certains stigmates sont encore dans les coeurs. Mais contrairement, à ce qui se murmure ici et là, jamais un visiteur n'a été la cible de la colère et jamais les Tiziouzéens n'ont montré la moindre trace d'animosité envers leurs hôtes. Tizi Ouzou, ce sont aussi de grands restaurants qui offrent des cartes pas si éloignées de ceux des grands restaurants. La ville a également une couverture sanitaire assez importante : médecins généralistes, spécialistes de tout ordre, dentistes, pharmaciens, laboratoires d'analyses médicales se partagent l'espace avec les cliniques privées et les structures publiques. Le CHU Mohamed-Nedir est de la taille des grands hôpitaux du pays et aspire à délivrer à ses patients un service de qualité. Tizi Ouzou est une grande ville à l'écoute du monde : de nombreux cybercafés permettent au visiteur de se connecter facilement avec le reste du monde. Tizi Ouzou, c'est aussi un pan d'histoire de la région. La bibliothèque de la wilaya peut vous renseigner sur le riche passé de cette ville et vous raconter notamment, le Sebt des Amraoua, Yahia Agha et les relations des Oukaci, la famille «régnante» de la vallée du Sebaou. Tizi Ouzou est aussi la caisse de résonance de la Kabylie. Le plus petit événement survenant dans le bourg ou le hameau le plus éloigné est tout de suite su à Tizi Ouzou. Ainsi et pour exemple, l'attentat monté par les terroristes contre le chef de sûreté de daïra de Mekla et ayant coûté la vie à ce policier fut appris à Tizi Ouzou dès huit heures trente dans la journée-même, le 5 juin, alors que l'assassinat avait eu lieu à huit heures vingt. Il n'avait fallu que dix minutes pour que l'information atterrisse dans les bureaux de presse. Une presse bien représentée à Tizi Ouzou où les principaux quotidiens possèdent des bureaux régionaux. Vers les cimes La Kabylie n'a jamais été limitée à Tizi Ouzou, bien que la ville du col des Genêts en soit réellement l'âme et le coeur palpitant. Pour aller dans la Kabylie profonde, il semble bien qu'une bonne information soit nécessaire. Si le voyageur veut découvrir l'artisanat traditionnel et notamment, les bijoux en argent finement ciselés et aux coraux merveilleusement sertis, alors, il faut grimper vers Béni-Yenni. Dans cette ville accrochée au flanc du magnifique Djurdjura et dans un cadre enchanteur, le voyageur a un grand choix entre les objets en argent présentés par des maîtres artisans. La journée peut ne pas suffire pour découvrir toutes les merveilles de la région. On conseille un tour au bureau local du tourisme qui saura comme à son habitude vous guider dans votre découverte. Mais il semble que d'abord et avant toute chose, le visiteur rende une pieuse visite au petit cimetière de cette colline oubliée, où dort du sommeil du juste, un grand homme de culture : Mouloud Mammeri qui a fait sa traversée en 1989. Le voyageur fatigué peut prendre quelque repos et même se restaurer à l'auberge : Bracelets d'agent. Une auberge qui sait si bien accueillir le visiteur. De là, on peut rejoindre Aïn El-Hammam, le chef-lieu de daïra voisin. A Aïn El-Hammam on peut rendre visite au cimetière, situé à l'entrée de la ville, près d'Akkar. C'est là, que se trouve la dernière demeure du barde et aède de Kabylie : Si Muhend ou Mhend qui avait choisi Assekif N'temana, comme lieu de repos éternel. Quand on veut à tout prix ramener à soi des souvenirs, il faut se rendre à Aït-Hichem où l'on peut s'émerveiller devant le tapis de pure laine aux couleurs chatoyantes. Si le visiteur a quelque temps devant lui, où encore s'il envisage de passer la nuit dans cette belle région, il peut opter pour le confortable hôtel Le Djurdjura. Le lendemain, il pourra pousser sa visite vers Iferhounène et le col de Tirourda. Juste après Iferhounène et au village de Tizit, il lui sera loisible de fleurir la tombe de l'un des rois de Koukou : Sidi Amar. La vue est ici impossible à décrire ! Elle est d'une beauté à couper le souffle. Et l'habitant a le coeur sur la main ! En quittant Aïn El-Hammam, on a plusieurs solutions : choisir le tortueux et beau tronçon routier menant vers Larbaâ Nath-Irathen, prendre par Ath-Hichem ou continuer tout droit sur Mekla en passant par les Aït Kheïr, le village des potiers ou encore descendre par Koukou vers la vallée de Boubehir et remonter vers Illoula Ou Malou et Bouzeguène. Le voyageur non averti peut fort bien être surpris devant la beauté des sites et devant l'artisanat local. Azazga, Mekla, Tizi-Rached autant de villes, autant de haltes où le visiteur ira de ravissement en ravissement. En ces lieux de haute Kabylie, que le voyageur ne s'y trompe pas ! Il peut rencontrer sur son chemin des jeunes femmes à l'habit traditionnel, vaquant à leurs travaux. Généralement, ces jeunes femmes sont ou presque toutes des licenciées, des ingénieurs ou encore des étudiantes allant normalement à leurs champs. L'autre côté de la Kabylie des montagnes, c'est aussi Béni-Douala, les Ouadhias, Ighil Imoula, l'historique, Aït-Bouaddou et encore Maâtkas, les hauteurs de Boghni et les Aït Yahia-Moussa ainsi que Draâ El-Mizan et Tizi-Gheniff. Si à Ighil Imoula on se doit de rendre recueillir devant la stèle du 1er-Novembre, là où a été tirée la déclaration de novembre, c'est dans les villages des Ouadhias que l'on peut faire provision de souvenirs : les robes féminines locales habilement travaillées sont d'une beauté à vous laisser béat d'admiration. A Béni-Douala on peut honorer la mémoire du chantre de l'amazighité : Matoub Lounès qui repose dans son tombeau érigé près de la maison familiale. Et si par inadvertance vous frappez à la maison, Nna Aldjia, la mère de Lounès, se fera un réel plaisir de vous accueillir. Aux Aït Yahia-Moussa, il semble inconvenant de se rendre sans faire un tour à Tizra-Aïssa pour visiter le musée Krim Belkacem. L'attrait de la Grande bleue Malgré la beauté des sites, et l'appel du Djurdjura avec comme halte promise, Tala-Guileff au-dessus de Boghni qui annonce sa prochaine réouverture officielle, en ces temps de canicule, c'est souvent la Grande bleue qui attire le visiteur. La Kabylie possède 80 km de côtes d'une beauté tout aussi remarquable que les trésors de l'intérieur des terres. Les villes balnéaires les plus connues étant Tigzirt, Azeffoun et Aït-Chaffa vers l'Est. Souvent, pour ne pas dire toujours, les villes citées présentent outre des plages accueillantes au sable blond et aux galets magnifiques comme à Azeffoun, des vestiges historiques constituant un patrimoine archéologique exceptionnel... les allées couvertes d'Aït Rhouna, Taksebt édifiée sur une cité romaine, vestiges de Tigzirt l'antique Iomnium, vestiges d'Azeffoun offriront aux touristes des moments d'intense réflexion sur le passé. Les municipalités de Tigzirt et d'Azeffoun s'activent pour être au rendez-vous. L'embellissement des villes est ainsi au programme et les plages d'Azeffoun : plage du Centre et du Caroubier et celles de Tigzirt ; Grande plage, Feraoun et Petite plage sont activement nettoyées ; celle de Sidi-Khaled un peu loin de la ville réservée aux seuls vrais nageurs n'est hélas, pas surveillée. A Tigzirt, la municipalité promet également tout un programme de spectacles et réjouissances avec à l'affiche des troupes folkloriques. Et cerise sur le gâteau, pour cette année, le sempiternel problème de l'eau semble vouloir se régler avec la station de dessalement que l'ADE promet de livrer au courant de juin. Décrire en quelques lignes la beauté de la Kabylie est un défi impossible à relever, Le visiteur se devant de découvrir par lui-même les spectacles féeriques que lui offre la nature en ces lieux. La question que tout le monde se pose est celle des savoir pourquoi nos jeunes sont tellement attirés par l'étranger alors que leur pays est si beau ! Perle rare parmi les perles que la nature a donné sans retenue à l'Algérie, la Kabylie attend les visiteurs qui, souhaitons-le, seront encore et toujours plus nombreux !