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L'ennemi intime de M. Moubarak
Saâd Eddine Ibrahim (Sociologue, farouche opposant au régime égyptien)
Publié dans El Watan le 29 - 11 - 2007

« Le prétexte ordinaire de ceux qui font le malheur des autres est qu'ils veulent leur bien. » Vauvenargues
Au Caire, les cercles du pouvoir s'accordent à dire que l'homme est plus dangereux que tous les partis d'opposition réunis. Ses capacités de nuisance seraient imprévisibles et ravageuses.
C'est pourquoi M. Moubarak s'en méfie comme la peste, en tentant de l'isoler en le discréditant aux yeux de l'opinion publique à travers une presse aux ordres. L'Egypte, avec ses 74 millions d'habitants, l'un des plus peuplés d'Afrique, ce grand vaisseau avec ses contradictions et ses espoirs, peut encore connaître des tempêtes. « Les prochaines échéances s'annoncent décisives », avertit Saâd Eddedine qui sait qu'il a tout à gagner dans le bras de fer inégal qui l'oppose au Raïs. Il est parfaitement en harmonie avec celui qui a décrété que quiconque est plus sévère que les lois est un tyran. N'allez surtout pas lui signifier qu'il prêche dans le désert. Il ne rate aucune occasion pour montrer que son combat n'est pas vain, suscitant assez de bruit pour le faire savoir. « Les riches s'enrichissent, les pauvres s'appauvrissent et les islamistes ou frères musulmans, ici ‘'défenseurs des déshérités'', attendent leur heure », constate-t-il. Bonne élève du FMI, l'Egypte de Moubarak ne sort pas de cette équation-là, porteuse d'une imprévisible explosion sociale.
Influencé par Nasser
Au pouvoir depuis 1981, le Raïs égyptien détient un record de longévité et il compte perpétuer son règne en passant le témoin à son fils Gamal, déjà propulsé à la tête du parti dominant. En Egypte, si les gamaât activent en sourdine et laissent le temps au temps, les autres voix discordantes sont priées d'aller se faire entendre ailleurs si elles ne sont pas carrément bâillonnées. Les rares poches de résistance se trouvent face à un appareil d'Etat qui accapare des pans entiers de la société. Il y a eu un sursaut de la société civile, qui s'est cristallisé autour du mouvement (Kifaya !, ça suffit !), cri de ralliement de tous les mécontentements, de toutes les frustrations, qui s'est époumoné à dénoncer l'autoritarisme du régime en demandant l'amendement de la Constitution. Dans cette contestation, le plus frappant est sans doute le phénomène Ibrahim, dont le procès s'ouvre ces jours-ci, qui a donné du fil à retordre à la classe politique et qui continue à défier les dirigeants en place envers et contre tous. C'est que l'homme est têtu. Sociologue et militant des droits de l'homme, Saâd Eddine Ibrahim, qui a guerroyé depuis plus d'un demi-siècle contre les ordres établis, dirige le Centre Ibn Khaldûn d'études sociologiques et politiques du Caire. Il a été emprisonné pendant deux ans parce qu'il a terni, selon les termes de l'accusation, l'image de l'Egypte et reçu illégalement des fonds étrangers. Mais Ibrahim, qui ne se laisse pas impressionner, y voit une autre raison : « Mon emprisonnement est dû au fait d'avoir évoqué dans un article cette nouvelle gouvernance mi-républicaine, mi-monarchique. Et je citais l'exemple de ces « fils de », prétendant à la succession en Syrie, au Yémen, en Libye et…en Egypte ! La montée en puissance de Gamal Moubarak se poursuit. C'est aussi contre ça que se bat l'opposition égyptienne ». Manière de dire qu'il n'est pas seul à remettre en cause l'ordre établi. Dans sa campagne contre cet « empêcheur de tourner en rond », le pouvoir égyptien s'est appuyé sur les partis et même sur certains députés pour stigmatiser cette figure de l'opposition, accusé d'avoir monté des pays étrangers contre l'Egypte et d'avoir cherché à convaincre les Américains de réduire leurs aides financières. Certains ont même exigé que sa nationalité lui soit retirée au motif qu'il a acquis la nationalité américaine, sans se conformer à la législation égyptienne. On a les prétextes qu'on peut. Pour Ibrahim, tous les moyens sont bons pour porter des coups de boutoir au pouvoir. Il reconnaît avoir rencontré George Bush en juin dernier en marge d'une visite à Prague (où se tenait une conférence internationale sur la démocratie), et il avoue même lui avoir demandé de conditionner les aides américaines aux progrès des réformes et à un meilleur respect des droits de l'homme. L'opposant révèle, par ailleurs, qu'il fera en sorte que les pressions internationales s'accroissent sur le régime, non seulement de la part des Américains, mais également de l'Union européenne. L'homme qui a décidé depuis le mois de juillet de s'exiler aux Etats-Unis et qui constitue un véritable trouble-fête depuis des décennies, se montrant solidaire des minorités, est né il y a 70 ans dans le village de Badine, près de la ville d'Al Mansoura.
Un exil forcé
Jeune adolescent, il a été marqué par la révolution des officiers libres qui ont pris le pouvoir en 1952. Il a même eu l'honneur de rencontrer Gamal Abdenacer, au cours d'une cérémonie récompensant les meilleurs lycéens. Le Raïs lui a offert son livre La philosophie de la Révolution. En 1964, après une licence en sciences sociales, il obtient une bourse qui lui permet de poursuivre ses études aux Etats-Unis où il se fait élire président de l'Union des étudiants arabes dans ce pays. Deux ans après, sa bourse est annulée en raison de son positionnement en faveur des régimes anti-nassériens. Il gagne sa vie en faisant de petits métiers et parvient même à décrocher un doctorat en sciences sociales. Le goût de la politique ne le quitte pas et il lie amitié avec la classe politique américaine et avec une Américaine, Barbara, qui deviendra son épouse. En 1972, il quitte l'Amérique pour retourner au Moyen-Orient, précisément à Beyrouth où un poste d'enseignant à l'université américaine lui est proposé. Là, il touche du doigt la réalité des Palestiniens chassés de Jordanie après le fameux Septembre noir de triste mémoire. Il embrasse la cause palestinienne qu'il défend sur tous les fronts. Après plus d'une décade d'exil forcé, Ibrahim rentre en Egypte. Déjà que ses relations avec le régime étaient tendues, elles deviennent exécrables en 1988 lorsqu'il lui vient l'idée de créer le Centre Ibn Khaldûn consacré à la recherche et aux droits de l'homme. Mais au lieu de se limiter à ces missions, le Centre axera ses travaux sur les sujets polémiques, notamment les droits des minorités religieuses et ethniques dans le monde arabe (Kurdes, Coptes, Berbères…). Des thèmes qui fâchent et qui seront au centre de la Conférence internationale sur les minorités organisée à Chypre et qui a visiblement agacé le régime égyptien dont les relais médiatiques, notamment, tombent à bras raccourcis sur Ibrahim. Toutes les injures et offenses sont bonnes pour le qualifier et le diaboliser. Il est même accusé d'être à la solde des puissances étrangères, un agent des Américains. Une vieille tactique récurrente qui, à force d'être usitée, a fini par ne plus convaincre personne. A la fin du siècle dernier, notre contestataire est arrêté et accusé de « corruption, de collecte de fonds étrangers en contradiction avec les lois égyptiennes, de mensonges portant atteinte à la réputation de l'Egypte et d'usages de faux dans le but d'obtenir des aides financières de la part de l'Union européenne ». Il est condamné à 7 années de prison. Il en purgera 15 mois et poursuivra son combat avec la même détermination. Ses contempteurs lui vouent respect et reconnaissent en lui un « battant », même s'ils sont aux antipodes de ses idées. Ils voient en lui l'homme qui a donné une autre vision de la politique égyptienne trop longtemps confinée dans un unanimisme désuet. C'est sa voix qui est venue changer un ton monotone et monocorde. « Il est le premier depuis de longues années à être à l'avant-garde de la bataille pour la réforme politique », admettent les observateurs. Déjà, le sociologue fait une projection sur le futur. A propos de la prochaine élection, « c'est une illusion. Ils cherchent à faire croire que l'élection sera véritablement disputée mais posent des conditions qui empêchent toute candidature. »
Les droits de l'homme, un sacerdoce
« C'est une présidentielle à la tunisienne. Le parti au pouvoir organise la compétition, présente ses propres candidats, planifie leur défaite et proclame les élections justes et pluralistes. J'ai joué un rôle modeste dans cette évolution en annonçant que je me présentais. C'était un véritable défi adressé à Hosni Moubarak. Trois ou quatre personnes ont suivi mon exemple. Moubarak nous a rejoints à mi-chemin, en initiant ce processus tout en s'assurant que nous en serions exclus. Un candidat indépendant doit obtenir le parrainage de 250 élus locaux et nationaux. Avec un parti au pouvoir, le PND, qui contrôle 90% des mandats, c'est virtuellement impossible. » Nullement traumatisé par ses revers, bien que tyrannisé par ses adversaires, il joue avec sa célébrité pour « secouer le système ». Il a ses arguments et s'en va partout, répétant « qu'il ne faut s'attendre à rien de ce régime corrompu ». Jusqu'au bout, il est resté rétif aux voix conciliantes qui lui conseillaient de modérer ses jugements vis-à-vis du pouvoir et de rentrer au pays. S'il persiste à camper sur ses positions, le plus célèbre des opposants politiques égyptiens compte bien rentrer au pays et passer ses vieux jours chez lui. « C'est mon vœu, confie-t-il dans un murmure étouffé. Mais, ajoute-t-il ironique, personne ne sait de quoi demain sera fait, surtout dans nos contrées. Ce qui est sûr, c'est que la roue tourne et personne ne pourra revenir en arrière. Le mouvement est enclenché. Il faut compter sur le facteur temps. Le régime montre des signes de faiblesse. Le mur du silence a cédé. Les gens n'hésitent plus à critiquer publiquement Moubarak, à dénoncer la corruption. C'est une avancée, en attendant plus. Ce jour viendra, Incha Allah », espère-t-il même s'il n'y croit pas vraiment avec ce fier sentiment d'avoir au moins essayé.
Parcours
Professeur de sociologie politique à l'Université américaine du Caire, Saâd Eddine Ibrahim est né en 1938 dans une région rurale de l'Egypte. Après des études au Caire, il part aux Etats-Unis où il obtient un doctorat en sciences sociales. Président du conseil d'administration au Centre Ibn Khaldoun, il est aussi administrateur du Forum de la pensée arabe en Jordanie et membre du Club de Rome. Il compte parmi les intellectuels les plus médiatiques du monde arabe. il a siégé au Conseil consultatif pour le développement durable de la Banque mondiale et au Conseil de gouvernance de Transparency international, une ONG qui se consacre à la dénonciation de la corruption. Ibrahim a publié plus de 35 livres en arabe et en anglais. Il a reçu nombre de décorations, de récompenses scientifiques et de prix pour la défense des droits de l'homme. Homme aux multiples facettes, il fut l'un des rares intellectuels arabes à soutenir l'intervention américaine en Irak en 2003.


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