Il n'y a visiblement pas de temps idéal pour voter en Algérie. Noureddine Zerhouni, ministre de l'Intérieur, a expliqué hier, lors d'une conférence de presse à l'hôtel El Aurassi à Alger, que les intempéries avaient influé sur la participation aux élections locales du jeudi 29 novembre. Avant lui, en mai 2007, au lendemain à l'abstention massive au scrutin législatif, Abdelaziz Belkhadem, chef du gouvernement, avait justifié ce phénomène par « le soleil et le beau temps ». Le ministre de l'Intérieur n'est pas gêné par la faiblesse relative de participation aux élections de jeudi dernier. Même si 5 points ont été perdus par rapport à la consultation électorale de 2002, il a estimé que les votants ont fait montre d'esprit de citoyenneté en se rendant aux bureaux de vote. « Au contraire, les gens font confiance et adhèrent au processus électoral. Cette participation s'explique par l'effort qui a été fait par les partis... », a-t-il estimé. Il a même décelé une évolution dans le taux de participation en comparaison avec les législatives. Ces deux consultations sont-elles identiques pour que la comparaison soit autorisée ? N'existe-t-il pas « un complexe » qu'on peut désormais appeler « taux de participation » ? Il reste que la barre des 50% n'est plus dépassée et que dix millions d'Algériens, inscrits sur les listes électorales, ne vont plus aux bureaux de vote et que le nombre des bulletins nuls avoisine les 900 000. Cela ne semble pas inquiéter le ministre de l'Intérieur. Par contre, l'homme est fier d'annoncer que 35% des candidats aux APC et aux APW sont des universitaires et 28% ont moins de 40 ans. Interrogé sur les 2,5 millions de lettres envoyées par son département après l'abstention record aux législatives de mai dernier, Noureddine Zerhouni ne croit pas à l'existence d'une crise de confiance entre le pouvoir et la population, matérialisée par la faible réponse à ces missives – à peine 10%. Selon lui, des Algériens ont changé de domicile et les facteurs n'ont pas pu acheminer l'ensemble du courrier aux destinataires. Pas de crise de confiance. Noureddine Zerhouni, ministre de l'Intérieur depuis huit ans, a préféré s'attaquer au journaliste : « Vous êtes à côté de la plaque ! » Après un cafouillage dans la communication des chiffres et quelques difficultés auditives, le ministre a donné l'impression de n'avoir pas compris la question d'un confrère sur « la nouvelle cartographie » politique dessinée par les locales. Cela saute aux yeux : le Front national algérien (FNA) de Moussa Touati est devenu « la troisième » force politique du pays puisqu'il rafle, selon les chiffres officiels, 1578 sièges avec moins d'un million de voix. Cela tranche et contredit quelque peu les résultats des législatives de mai 2007 dans la mesure où le FNA n'était que septième parti avec 13 sièges obtenus et à peine 240 000 voix. Le FNA, qui est le seul parti agréé depuis l'arrivée de Bouteflika à la présidence de la République en 1999, a-t-il réalisé un grand miracle ? Noureddine Zerhouni a tenté une explication : « Cela peut être lié à la doctrine idéologique défendue par ce parti ou au charisme de certains candidats présentés, ceux qui n'avaient pas pu concourir dans d'autres formations ». Le FNA n'est-il pas cette nouvelle « interface » nationaliste entre le FLN et le RND utilisable lorsque cela deviendra nécessaire ? Pire, le FNA ne constitue-t-il pas une menace directe pour un parti comme le RND dont la tonalité critique de son secrétaire général, Ahmed Ouyahia, lors de la campagne pour les locales a, à un certain niveau, agacé ? Le Parti des travailleurs (PT), qui a présenté pour la première fois des candidats aux APC, réalise, lui aussi, une prouesse étonnante : 958 sièges raflés avec presque 590 000 voix. Il occupe la même place que les législatives : cinquième place. Curieusement, le FFS et le RCD ont obtenu chacun presque la même proportion des voix : 4%. Fait du hasard et des « élections transparentes » évoquées par le ministre de l'Intérieur ? Le RCD, qui a fait mieux que le FFS avec 605 sièges, garde la même position que celle des législatives : sixième place. Le FFS, lui, a perdu trois places comparativement aux résultats des locales de 2002. Il est classé à la septième place. Difficile de se retrouver dans cet embrouillamini en l'absence de possibilités d'accès libre au mode et aux instruments de calcul du ministère de l'Intérieur. Les indépendants, qui avaient occupé la troisième position aux élections de 2002, ne sont que septième cette fois-ci avec 3,8% des voix. Le MSP marque une évolution claire puisqu'il « saute » de la septième place en 2002 à la quatrième. Il fait moins par rapport aux législatives. Le MSP paraît être le seul parti installé sur une trajectoire instable. Mais il semble profiter de la débâcle – probablement définitive – du mouvement El Islah. Ce parti, arraché à Abdallah Djaballah par un coup de force administratif, est le principal perdant de ces locales. En 2002, El Islah s'est classé cinquième et a géré 39 communes. Cette fois-ci, il a dégringolé à la dixième position avec 1,4% des voix seulement. Abdallah Djaballah, qui se dit toujours chef historique d'El Islah, est le premier à se frotter les mains et à déclarer que son appel au « boycott » a été entendu par la population. Nahda a, lui, pris le chemin à l'envers puisqu'il a amélioré sa position de huit places. Est-ce une évolution ? Certainement pas, puisqu'en dépit de ce qui peut paraître comme un succès, Nahda n'a obtenu que 1,57% des voix exprimées. En tout, les partis islamistes (MSP, Islah et Nahda) ont eu 13,5% des voix. Cela ressemble à une régression. Ahd 54 et le PRA se maintiennent presque au même niveau tandis que le PST évolue doucement. L'ANR réalise un petit score avec 24 sièges obtenus et le PRA s'enlise avec seulement 9 sièges. Divisé, le MDS est le seul parti à n'avoir rien obtenu.