La veine populaire est intarissable lorsqu'il s'agit de fustiger, critiquer, stigmatiser et tourner en dérision des faits, des gestes, des comportements et des attitudes. Les propos sont acerbes. Les réparties sont caustiques. Un humour volontairement débridé, frondeur et un tantinet provocateur tient lieu d'exutoire et de viatique. On trempe ses mots dans une encre acidulée pour faire mouche. La rue véhicule et colporte tant d'anecdotes facétieuses, de récits et de blagues sarcastiques qui prêtent à rire. Il suffit de tendre l'oreille pour s'en convaincre. Un imaginaire à fleur de peau, gouailleur et sémillant s'instille partout et se saisit de toutes les occasions pour dire les choses crûment, sans mettre de gants. Que de « personnalités » roulées dans la farine et ramenées sur terre à coups de sarcasmes, caricaturées à l'excès. On croque avec avidité les « grands » de ce pays en termes sulfureux. Le vocabulaire est copieux. On traite, par exemple, tous les parvenus arrogants et ignares de « beggarine ». Nouveaux riches et heureux bénéficiaires d'un « infitah » à l'algérienne. Les discours stériles, les promesses jamais tenues, l'agitation inutile et infructueuse sont qualifiés de « khorti ». On appelle « chriki » un associé ou un partenaire engagé dans une quelconque affaire. Sommet de l'individualisme et de l'esprit d'initiative. La liste est longue qui témoigne de la richesse d'un parler populaire en rupture de ban avec les œillères, les convenances. Le champ de l'expression ne se reconnaît presque aucune barrière pour planter des banderilles, porter des estocades pleines de verve et d'humour. On brocarde sans se lasser, on parodie et caricature pour dire les choses et peut-être pour exister.