Projection Les Journées du cinéma européen ont été ouvertes, mercredi, à la salle Ibn-Khaldoun, avec la projection de Intervention divine, un film réalisé par le Palestinien Elia Suleïman. Le film, une fiction largement inspirée de l?actualité palestinienne, mêle avec intelligence le pathétique au comique, le ridicule à l?absurde, l?irréel, disons le fantastique à la vérité. Le réalisateur y ajoute sentiments et dérision. Intervention divine s?articule en deux mouvements. Le premier tableau raconte des scènes de voisinage. Il décrit les relations existant entre les voisins, les liens et les comportements, le quotidien ; des rapports souvent conflictuels. Un film dans lequel il n?y a point d?entente, point de compromis. Le second tableau parle d?une idylle entre un Palestinien qui vit à Jérusalem et une Palestinienne de Ramallah ; il raconte deux amants en silence, uniquement par des gestes, sinon des caresses, à travers des regards, une expression profonde du regard. Cette histoire d?amour est exprimée avec lyrisme, sur un ton mêlant, dans une certaine mesure, la comédie à la tragédie. Les scènes du premier tableau se déroulent dans la ville de Nazareth, dans un quartier arabe, tandis que celles du deuxième tableau s?organisent et s?enchaînent près de la frontière, à un barrage militaire séparant deux villes : Jérusalem et Ramallah. L?absence de dialogue fait indéniablement l?originalité du film ; les personnages parlent rarement : ils agissent. C?est un film qui se déroule lentement, presque avec monotonie, en silence. Intervention divine est un film excentrique, à la fois cocasse et poignant ; c?est un film qui se veut une critique, certes acerbe, mais fine, menée avec adresse contre la situation actuelle en Palestine, engendrée par la politique discriminatoire d?Israël. Il s?agit d?une caricature des uns et une dérision des autres. Il existe dans le film une scène caractéristique, spectaculaire, qui cristallise l?absurdité ainsi que la bêtise humaine. C?est celle où le réalisateur montre un ballon rouge à l?effigie de Yasser Arafat qui plane dans le ciel, se dirigeant de Ramallah vers Jérusalem. Les militaires postés à la frontière aperçoivent «l?objet volant» et ne savent que faire. Alors, l?un d?eux appelle son supérieur, lui décrivant la situation : «Il y a un ballon qui veut passer la frontière, que fait-on ?» Et à l?autre bout de la ligne, une voix lui dit : «Ne bougez pas, attendez les ordres.» Il y a également une autre scène particulièrement caricaturale et critique, celle où nous est montrée une touriste occidentale qui s?approche d?un fourgon de police pour demander à l?agent de l?aider à retrouver son chemin. Celui-ci, qui ne peut l?aider, lui dit d?attendre un moment. Il va à l?arrière du véhicule, ouvre la portière et fait sortir un détenu palestinien, les yeux bandés. Il le ramène vers la touriste et lui demande de lui montrer la direction qu?elle doit prendre. Ce dernier commence alors à l?orienter? Ce sont donc pareilles scènes, burlesques et caricaturales, qui font l?originalité, voire la singularité d?un film chargé d?émotion, plein d?humour et de critique. Le réalisateur ne raconte pas une histoire, mais plutôt des scènes indépendantes les unes des autres. Il les présente à travers un ensemble de comportements et d?attitudes. Il n?y a d?ailleurs ni personnages principaux ni personnages secondaires ; chacun est là pour occuper un espace, incarner une situation, jouer un rôle. Elia Suleïman met l?accent sur les comportements humains et ce n?est donc pas l?individu qui l?intéresse, mais plutôt l?humain dans son insanité qui fait l?objet de réflexion. Intervention divine sera projeté lundi 28 juin à 18h à la salle Ibn-Zeydoun (Riad el-Feth).