Nous sommes le 11 décembre, l'horloge a été réglée cette fois-ci sur 9h45. Hydra, le quartier le plus huppé et le plus sécurisé d'Alger, a été le théâtre d'un attentat terroriste. La cible : la société des nations. Un kamikaze à bord d'un camion citerne piégé a foncé droit sur le siège des Nations unies (PNUD). C'est la panique. On dénombre plusieurs morts et des dizaines de blessés. De prime abord, le voisinage habitué au calme a cru à un tremblement de terre, puis à un attentat ciblant le HCR (le Haut commissariat aux réfugiés). Erreur. En accourant pour s'enquérir de la situation et par la même secourir les blessés, les voisins découvrent l'ampleur de la catastrophe. Le siège du PNUD a été complètement effondré, ensevelissant dans sa chute les employés s'y trouvant à l'intérieur. Le bâtiment du HCR faisant face au PNUD a été littéralement soufflé. L'explosion a causé la destruction de toutes les villas et bâtisses limitrophes. Les véhicules autorisés à stationner aux abords ont été entièrement calcinés. Dans l'immédiat, plusieurs personnes ont été évacuées par les voisins vers les dispensaires et les cliniques les plus proches. La villa des Akroune, portant le nom « des vergers », a été sérieusement endommagée et le couple Akroune, connu de tous, n'a malheureusement pas échappé à la mort. Encore sous le choc, ammi Mohamed dont le portail de la maison et les vitres ont été soufflés, n'arrive pas à réaliser ce qui vient de se passer. Il a juste appris que son ami et voisin de longue date, Akroune et sa femme, sont morts. Emu, il se contentera de dire avec une petite voix « Allah akbar » (Dieu est grand). Pris de panique, un jeune homme accompagné de sa fille court dans tous les sens. Il cherche son père qui habite avec la femme de ménage dans la villa mitoyenne au PNUD. La bâtisse a été ravagée par l'explosion mais le vieux de 86 ans est miraculeusement sorti indemne. Il s'était recroquevillé dans un coin de la maison et attendait les secours. « J'ai trouvé mon père assis dans un petit coin en train de prier. Il est sain et sauf. C'est pour moi un miracle », lance le fils. Une mère affolée a perdu connaissance en découvrant la voiture de sa fille méconnaissable. En reprenant ses esprits, elle fouille l'intérieur du véhicule. Où est ma fille ? hurlait-elle, tout en sanglotant. Sa progéniture est employée au PNUD. Elle est vivante. Elle a été évacuée à l'hôpital pour une blessure légère au bras causée par les débris de verre. Arrivés sur place, une demi-heure après l'attentat, les agents de la Protection civile ont pu retirer de sous les décombres trois corps. Dans la foulée, ils nous font part de 40 morts et plusieurs blessés. Un témoin ayant assisté à la scène nous livre sa version. Ce dernier était à l'intérieur de son véhicule à hauteur de l'ONU. Il était plus exactement derrière le camion citerne. Selon lui, ce dernier, de couleur blanche, a pris le virage pour accéder à l'intérieur du siège. L'agent de sécurité au niveau de l'ONU, visiblement étonné de voir un tel engin dans le quartier, l'a apostrophé en lui demandant d'abord de ralentir avant de lui ordonner de rebrousser chemin. « L'agent de sécurité me fait signe de faire marche arrière pour que le conducteur du camion puisse redresser son engin. Je faisais ma manœuvre de marche arrière lorsque je vois le camion foncer droit sur le siège de l'ONU avant d'exploser. Le kamikaze doit avoir la cinquantaine », raconte le témoin très choqué. 10h passées, le ministre de l'Intérieur, M. Zerhouni, et le premier responsable de la DGSN, M. Tounsi, arrivent sur place. Sans attendre, les policiers bouclent le périmètre. La police scientifique s'est attelée à son travail, à la recherche d'un moindre indice. Des brigades canines se sont jointes aux équipes de recherche pour renforcer le dispositif chargé des secours. M. Zerhouni accepte de livrer ses appréciations. Il « déplore » et « condamne » avant de confirmer que l'attentat était l'œuvre d'un kamikaze. En se basant sur les témoignages recueillis auprès de ses éléments, M. Zerhouni confirmera que l'attentat a été perpétré par un conducteur (kamikaze) âgé de plus de 50 ans et que le bilan est très lourd. Zerhouni donnera, cependant, un premier bilan de six morts, contredit plus loin par un médecin qui avancera au minimum douze morts. Le ministre de l'Intérieur a appelé à « plus de vigilance ». Interrogé sur la coïncidence de la date du 11 avec les autres attentats (notamment ceux du 11 avril à Alger et à Bab Ezzouar), le ministre a répondu : « Peut-être », ajoutant que « l'important est de resserrer les mailles pour éviter le passage de ce genre de véhicules piégés ». M. Rahabi, ex-ministre de la Communication, habite non loin du siège de l'ONU, sa maison a été touchée par la déflagration. Pour lui, en s'attaquant au siège des Nations unies, les terroristes frappent la nation dans son ensemble. « Il serait intéressant que la classe politique réagisse. Les terroristes, ceci est évident, cherchent l'impact médiatique. Le procédé de ces assassins n'a pas changé. C'est une logique de violence et ce drame doit réunir les Algériens autour de leur gouvernement », a soutenu M. Rahabi qui estime qu'il faut une mobilisation sociale pour lutter contre le terrorisme. Tard dans la soirée, les services de sécurité assistés par les chiens tentent de retirer des décombres les personnes ensevelies.