Racisme ambiant, vocabulaire sécuritaire, amalgames, déshumanisation : telles seraient les dérives du journalisme en Algérie traitant des phénomènes migratoires. Un constat établi hier lors de l'atelier de réflexion à Alger sur la thématique, avec la participation de journalistes et de bénévoles de terrain sous l'auspice de l'ONG-CISP et de la Société algérienne pour la recherche psychologique (SARP). Si la presse évolue en s'intéressant au phénomène des harraga à travers des reportages et des analyses, il n'en reste pas moins que la migration subsaharienne reste « sous-traitée », dans tous les sens du terme. Amalgame avec le banditisme, informations éparses, reproduction des communiqués des services de sécurité, etc. Les journalistes présents évoquent les difficultés d'accès aux sources d'un côté et les logiques économiques de certains titres qui ne trouvent rentable le reportage ou l'enquête. Les intervenants se sont accordés à souligner la nécessité de diversifier les sources, de revenir aux récits de vie, de donner visage humain au lieu de stigmatiser. Expliquer, par exemple, pourquoi les subsahariens malades rechignent à aller à l'hôpital de peur de comportements xénophobes ou d'être traités de sidéens en puissance. Casser, pourquoi pas, le tabou des refoulements dans l'extrême Sud et les violences inhérentes. Une piste est dégagée, celle de la connexion entre journalistes et acteurs associatifs qui viennent en aide aux migrants. Ces bénévoles qui constatent sur le terrain que les trafics mafieux, contrairement à ce que véhicule la presse, ne sont que résiduels et que derrière les chiffres, des histoires de vie émouvantes et fracassées, dynamiques et humaines. C'est ce qu'on touche du doigt dans le documentaire Le Piège, projeté hier, réalisé par Djamel Benramdane et Kays Djilali. Ce dernier d'ailleurs prépare pour janvier 2008 un livre photos autour des migrants en leur donnant la parole, La nuit sur la figure, chez les éditions Barzakh, préfacé par Yasmina Khadra. Les mêmes éditions publieront en janvier Eldorado, roman de Laurent Gaudé, prix Gancourt 2004, relatant deux itinéraires autour des migrations et des destins croisés.