Un atelier de réflexion sur le phénomène de la migration sera organisé à Alger avec la participation de journalistes algériens et étrangers. L'invitation censée être adressée à tous les journaux n'est pourtant parvenue qu'à de rares titres. L'organisation de cet atelier qui découle des “préoccupations” exprimées par les journalistes algériens quant aux difficultés qu'ils rencontrent dans leur travail sur l'immigration est parrainée par Sarp, une association scientifique algérienne à caractère non lucratif, qui se donne pour mission d'œuvrer en matière de prévention et d'aide psychologique ; œuvrer pour le développement de la recherche en psychologie et en sciences de l'éducation ; œuvrer pour l'amélioration de la formation et des spécialistes de l'éducation, comme elle se définit, le Cisp (Comité international pour le développement des peuples), le HCR et la Commission européenne. Cet atelier sera suivi le lendemain par une rencontre à l'occasion de la Journée internationale des migrants sous le thème de “Migrations : expérience et engagement de la société civile algérienne”. Une rencontre organisée par Sarp et Cisp. Que des rencontres se tiennent autour de thématiques aussi brûlantes, sensibles que d'actualité est une initiative louable surtout qu'elles constituent un espace d'expression pour les journalistes algériens pour parler de leur expérience, apporter une autre approche du phénomène de la migration, une perception qui n'est forcément pas celle de l'Europe pouvant même lui être opposée et apporter d'autres éclairages pour appréhender le phénomène. En Europe, en France particulièrement, le phénomène de l'immigration est traité au niveau institutionnel de manière quasiment sécuritaire. Il n'y a qu'à voir les déclarations du ministre, sa politique, les quotas à expulser… pour s'en rendre compte. C'est réduit à une statistique, des chiffres aussi froids que la tentation d'occulter l'aspect historique, le passé colonial de la France qui est un des facteurs qui a donné naissance et favorisé le phénomène. L'Union européenne, qui n'est pas fondamentalement opposée à cette vision —limitation et canalisation de l'immigration, immigration choisie — s'est engouffrée dans l'approche de l'extrême droite pour proposer une solution responsabilisant les pays du Sud, notamment les pays de transit. La proposition germano-italienne consiste en l'installation de centres de rétention en Afrique du Nord pour accueillir les migrants subsahariens en attendant que leurs dossiers soient traités dans les pays d'accueil. Ainsi, il est demandé aux pays du Maghreb de jouer aux gendarmes. Ce que la majorité d'entre eux a refusé. Localement, la lutte contre l'immigration clandestine est menée avec les moyens du bord, parfois sous le regard des ONG. Les journalistes algériens effectuent régulièrement des reportages, rencontrent “les clandestins”, rapportent, comme on peut bien le lire dans leurs écrits, tout ce qui se rapporte à ce sujet. Avec ou sans escorte des services de sécurité. Dire que “les journalistes n'ont pas la possibilité de traiter et restituer les résultats des investigations aussi objectivement que possible et sans parti pris” en raison “des difficultés à effectuer des enquêtes et des reportages de terrain pour en appréhender la réalité, l'utilisation d'un vocabulaire quelquefois inadapté, le manque ou l'absence de sources d'information autres que celles des services de sécurité” concluant à “des articles partiels, partiaux, stigmatisant…”, c'est aller trop vite en besogne. Ce n'est pas étonnant que les initiateurs au jugement aussi tranché, aux relents, est-on tenté de dire, néocolonisateurs, sur la presse algérienne évoquent la société civile — une autre terminologie en vogue ·— en limitant la liste aux associations nées durant la décennie noire. Une association scientifique de soutien psychologique aux victimes du terrorisme est, de leur point de vue, plus à même de contribuer à la compréhension du phénomène des “clandestins”. SOS-Disparus, CFDA… des associations qui reviennent dans les écrits du journaliste du Temps, M. Christian Lecomte, un participant et acteur de premier plan de ces rencontres, qui s'est spécialisé dans “les drames algériens” avec des articles qui sont loin d'être moins incontestables que ceux de la presse algérienne. Cette même presse qui a pourtant constitué un gisement d'informations pour la presse occidentale durant ces années noires, de l'aveu de responsables de grands titres. Et l'on vient lui proposer d'exposer son expérience (inexpérience serait plus adapté), alors que le postulat de ses faiblesses est préétabli ! En fait, de quoi s'agit-il au juste ? D'un atelier de réflexion sur la migration ? D'un atelier de réflexion sur la presse algérienne ? Quelle place alors pour les associations, les différents SOS plus connus pour leur combat pour la vérité sur les années de terrorisme dans le domaine de l'immigration clandestine ? Autant de questions qui rendent l'invitation sélective à la rencontre ainsi que son intitulé aussi opaque, incompréhensible que suspect. De quoi parlera-t-on alors ? Outre l'inopportunité de cette rencontre à Alger vu la manière avec laquelle est posée la problématique, pourquoi ne pas inviter les journalistes algériens qui ont traité du sujet à parler de leur expérience ou s'astreindre à l'intitulé qui est la migration ? Djilali B.