L'Union africaine vient de nommer un médiateur dans le conflit qui oppose, depuis plusieurs mois, Niamey au MNJ, le Mouvement des Nigériens pour la justice, rébellion touareg, considéré jusqu'à ce jour par le président du Niger, Mamadou Tandja, comme un simple regroupement de « bandits armés, trafiquants de drogue et de cigarettes ». Selon notre confrère Jeune Afrique, dans son édition du 16 au 22 décembre 2007, c'est l'ancien président mauritanien, Mohamed Ely Ould Vall, que l'Union africaine a chargé de mener la médiation entre le pouvoir de Niamey et le MNJ. Le journal de Béchir Ben Yamed ne précise toutefois pas, si l'Union africaine a agi de sa propre initiative ou si elle a été approchée par l'une de deux parties. Avec cette implication de l'instance africaine, le conflit armé qui se joue dans le Nord du Niger, depuis le mois de février dernier, commence à être pris au sérieux au-delà des frontières du Niger et semble inquiéter les acteurs politique du contiennent qui ont ainsi réussi à convaincre le président Tandja d'ouvrir un canal de communication. « Le cas du Président nigérien se trouve dans une situation semblable à celle qu'a vécue son homologue ivoirien, Laurent G'Bagbo, au tout début de la crise en Côte d'Ivoire. Alors que ses partisans, réunis au sein des comités de « Jeunes patriotes », le sommaient de ne pas négocier avec la rébellion de Guillaume Soro, il avait en face une Communauté internationale pour qui seul le dialogue constituait la voie de sortie rapide de la crise”, notait hier le quotidien panafricain en ligne La Griffe. Le même média rappelle que le N°1 nigérien a déjà rejeté l'offre de médiation de son homologue burkinabé, M. Blaise Compaoré, qui a dépêché son ministre des affaires étrangères à Niamey. Et que la médiation promise par son homologue libyen, grand médiateur de la Communauté des Etats sahélo-sahéliens (CEN-SAD), a tourné court suite , semble-t-il, aux accusations portées contre la Libye par une partie de la société civile nigérienne, qui a reproché au Guide libyen d'avoir armé et de soutenir les « bandits armés » du MNJ. « Seulement, refuser la médiation d'une organisation comme l'Union africaine n'est pas une mince affaire. Et ce, même pour un Président de moins en moins en visible aux rencontres des Chefs d'Etat ! », soutient dans son commentaire le journaliste Kané Illa de La Griffe. D'autant que la situation s'aggrave sur le plan sécuritaire et humanitaire dans le Nord du Niger, proche des frontières avec l'Algérie. Les derniers rapports des ONG Human Rights Watch et Amnesty International, publiés le 19 décembre, accusent l'armée nigérienne d'avoir procédé à des exécutions sommaires de civils en représailles aux attaques de la rébellion. Quant aux rebelles, explique HRW, ils sont accusés d'avoir utilisé des mines et d'agressions sur les populations civiles. Depuis le début du conflit armé en février dernier, les groupes de défense des droits humains accusent la rébellion d'avoir recours à l'utilisation indiscriminée de mines terrestres, des mines qui auraient tué au moins 49 soldats au cours des derniers mois. Selon HRW, sur les 80 personnes tuées et blessées, au moins 16 étaient des civils. Pour sa part, Amnesty International a affirmé qu'au moins 13 civils avaient été agressés par les forces de sécurité nigériennes au cours des quatre dernières semaines. « A ma connaissance, il n'y a eu aucun crime », a affirmé à l'agence d'information IRIN, Oumarou Boubacar, commandant de l'armée nigérienne à Agadez, la capitale du nord du Niger où des crimes auraient eu lieu. Quant aux rebelles du MNJ, selon HRW, ils ont admis avoir posé des mines terrestres sur les principaux axes routiers d'Agadez, d'Iférouane et d'Arlit. « ‘'Les rebelles'' ont affirmé qu'ils avaient pour cible les véhicules militaires, dont ceux utilisés pour escorter les convois civils », peut-on lire dans le rapport de HRW. Les rebelles sont également suspectés d'avoir placé les mines antichar qui ont tué deux civils le 10 décembre à Maradi et Tahoua, deux villes du sud du Niger. Ils ont toutefois nié être les auteurs de ces attentats, rejetant plutôt la responsabilité de ces morts sur l'armée. « Aucun élément du MNJ ne pourrait prendre pour cible les civils », a déclaré à Irin Moktar Roman, porte-parole du MNJ en Belgique, suite à ces incidents. Une situation explosive. Qu'est-ce que le MNJ ? Le MNJ réclame une meilleure application des accords de paix de 1995 qui avaient mis fin à la révolte touarègue des années 1990, notamment les clauses prévoyant leur réinsertion socioéconomique et la priorité d'emplois au profit des autochtones par les sociétés minières. Selon ce mouvement « les populations de l'Aïr, de l'Azawak, du Manga et de Tillabery connaissent des difficultés énormes et des injustices de toutes sortes, quant à leur insertion économique, sociale et politique dans le tissu national ». La région d'Agadez, une des plus touchées par le conflit, est connue pour ses potentialités touristiques, dont le désert du Ténéré et ses sites uranifères exploitées par des compagnies étrangères. Ce sont ces richesses qui avaient servi de détonateur à une rébellion armée qui porte un coup dur aux populations civiles, durant quatre années, avant que le gouvernement et les forces rebelles ne lancent le dialogue, en 1994, sous l'égide de la communauté internationale.