Tous en parlent, mais personne ne s'en soucie. Comment le peuvent-ils d'ailleurs ? Les gens se soucient d'autres problèmes plus terre à terre. » Mustapha, originaire d'Akbou, assure que les Algérois préfèrent faire l'économie de dépenses supplémentaires. « La personne à qui tu feras remarquer que le passage à l'année 2008 doit être fêté te répondra par une moue dédaigneuse et c'est à peine si elle ne te lance pas une tape sur la figure », insiste celui qui se considère comme un « Algérois d'occasion », pour paraphraser le mot bien senti lancé par Mekbel, Mesmar Djeha dans l'un de ses billets. « L'aisance financière que connaît, selon lui, le pays depuis quelques années déjà n'a pas déteint sur les comportements. La frénésie de la consommation n'a pas eu lieu. La politique et le froid y sont pour beaucoup. » Il n'est pas rare, toutefois, de voir des gens sortir des magasins de pâtisseries avec sous le bras des boîtes à la forme allongée ; certainement contenant des « bûches de Noël », fameux gâteau symbole. A côté des irréductibles qui y voient une « déviance » qu'il ne faut pas accepter, il se trouve ceux qui suivent sans pour autant faire étalage de leur comportement. « A ce rythme, la saignée continuera plus d'un mois. L'Aïd a poussé les familles à débourser des millions, sans oublier Yennayer que les Kabyles ne doivent pas rater », atteste Mus, rencontré dans un magasins de pâtisserie d'Alger-centre, pas spécialement fréquenté. Ceux des hauteurs le sont, au vu de la population, plutôt riche, qui y vit. Mais cette tradition culinaire perd, insiste-t-il, sous la main des pâtissiers algériens sa consistance. « La bûche devant être glacée ou pas, n'est pas décorée d'attributs comme la hache, la scie, les champignons. Elle est proposée pourtant à 250 à 350 dinars », relève-t-il doctement. « Après tout ce qu'on endure, nous ne pouvons festoyer. L'indifférence ne doit pas pour autant être ce sentiment qui nous gagnera », assure Cherif, agent de l'Epic Netcom qui dit ne pas avoir vécu en famille qui se trouve à M'Sila depuis longtemps. « Là-bas, on n'en entend pas parler, mais on a nos fêtes auxquelles on tient », insiste-il, l'œil larmoyant. A Netcom qui travaille à plein régime, rien de spécial n'est proposé à ses braves employés. « La cadence de travail est la même », informe-t-il. Reste pourtant un phénomène que l'on croyait révolu : à Kouba, des pâtissiers ont subi des pressions de la part de « frérots » qui leur ont enjoint de ne pas vendre ces « objets des croisés honnis de Dieu ». Trouvaille des commerçants : les bûches qui ne sont pas exposées en vitrine sont vendues sous le manteau. Toutefois, il s'en trouve toujours ceux qui ont leurs « plans » pour cette journée. Ils préfèrent se réunir chez un ami et boire sans qu'ils soient gênés. « Nous nous retrouvons dans la chambre universitaire d'un étudiant ami qui s'est arrangé pour nous faire entrer chez lui, ou bien dans la maison d'un copain friqué de la banlieue-Est », raconte Ahmed, étudiant en troisième année médecine. Pour lui, la nuit du « 31 » est synonyme de bamboche et de dépenses supplémentaires. « Nous nous réveillons avec la gueule de bois, affirment-ils, mais cela ne nous dissuade pas de marquer ce jour. » Les plus riches vont dans des hôtels. D'autres Algérois, plus nombreux, choisissent des lieux autrement plus familiaux pour faire la fiesta. « J'ai préféré dormir », lance Salim, photographe de presse en assurant que le « moral » n'y est pas. « J'ai ramené mes enfants chez la famille pour changer d'air. L'un des nôtres a pris l'initiative de réunir les enfants autour d'un clown, lui-même un parent éloigné », conclut-il. Le pavillon des urgences de l'hôpital Mustapha est submergé et pas seulement par les malades mais aussi, (à l'occasion de cette fin d'année) ceux que ramènent les policiers pour des tests d'alcoolémie. Au lieu de faire de la prévention et faire des tests sur place, ces policiers les ramènent dans le pavillon encombré.