Depuis les attentats du 11 décembre 2007, Alger ressemble de plus en plus à une ville « bunkérisée » avec la multiplication en son sein des barrages de police et la flopée d'uniformes en tout genre qui quadrillent hermétiquement la capitale. Les Algérois, les automobilistes surtout, ont certainement noté la prolifération des « check points » depuis les attentats de Hydra et de Ben Aknoun. Ainsi, sur la route Moutonnière, il nous a été donné de constater les fouilles systématiques auxquelles sont soumis les véhicules utilitaires, fourgons et camionnettes en tête, ainsi que les gros tonnages. Certains matricules sont l'objet de restrictions plus rigoureuses. L'attentatkamikaze de mercredi dernier contre un commissariat de police près de Naciria, et qui s'est soldé par la perte de quatre policiers, a poussé les services de sécurité à redoubler de sévérité ce week-end. En « intra muros », des patrouilles sillonnent inlassablement les quartiers d'Alger, traquant le moindre véhicule suspect. A la rue Didouche Mourad, un automobiliste était sur le point de se garer à hauteur de la Brasserie des facultés quand une voiture de police l'a intercepté pour vérifier qu'il ne s'agissait pas d'un fauteur de troubles. Les policiers en faction sont tous sur le qui-vive ce jeudi, bravant à la fois la peur d'une frappe surprise et les humeurs de la météo. Une course contre la montre semble engagée pour désamorcer les attentats futurs, surtout quand on songe à cette information faisant état d'une liste de lieux qui pourraient être ciblés par des attaques suicide. Un détail n'échappera pas à l'observateur attentif : les personnels de sécurité sont harnachés comme des guerriers. Gilets pare-balles et kalachnikovs sont de rigueur. Aux abords de tous les édifices institutionnels et autres représentations étrangères, un dispositif musclé est mis en place pour parer au pire. Mais au-delà des précautions de routine, des opérations préventives sont menées un peu partout dans la capitale. Le périmètre de la présidence de la République, à El Mouradia, est particulièrement surveillé. Hier, la rue Shakespeare menant vers le ministère des Affaires étrangères était toujours coupée à la circulation. Une large pancarte iconographique plantée à la lisière du jardin jouxtant la Présidence indique « Défense de filmer ». Toutes les ruelles entourant le palais présidentiel sont quadrillées et seuls les riverains y sont admis. Les abords des résidences de certaines figures du pouvoir sont, elles aussi, soumises à un régime de protection particulier. A Hydra et Ben Aknoun, la mobilisation des services de sécurité est très visible. Les chantiers de restauration des édifices frappés par l'attentat du 11 décembre vont bon train. La route conduisant au Conseil constitutionnel est ouverte au public mais les voitures sont, là aussi, contrôlées. Un véhicule commercial est minutieusement passé à la fouille à hauteur du barrage de police installé au carrefour de la Cour suprême. Les autorités, en ouvrant à la circulation les rues secouées par des attentats, semblent vouloir transmettre un message fort, à savoir qu'elles tiennent la situation en main et qu'elles ne cèdent pas à la psychose. La grande avenue longeant le Palais du gouvernement connaît une certaine fluidité du trafic malgré les séquelles très marquantes du double attentat du 11 avril dernier. La chaussée a subi quelques réaménagements pour l'établissement d'un périmètre de sécurité, non sans enlaidir inutilement cette belle avenue, regrettent des riverains. Retour des rues « bétonnées » ? C'est dire tous les changements physiques qu'Alger est en train de subir. Ces restrictions dans l'espace ne sont pas sans rappeler les bouleversements urbanistiques qu'avait connus la capitale au milieu des années 1990 et la première vague des voitures piégées de l'époque. On se souvient de ces blocs de béton qui condamnaient les accès de moult édifices publics. Déjà réputée difficile en l'absence d'espaces de parkings réglementés et d'un plan de circulation adéquat, Alger est devenue l'enfer des automobilistes qui se voient tous fichés « terroristes potentiels » dès qu'ils frôlent un bâtiment officiel. Outre ce dispositif de contrôle des axes routiers, et destiné à resserrer les mailles sur les éventuels véhicules à risque, des policiers en civil arpentent les rues et les marchés d'Alger, procédant à des vérifications d'identité inopinées avec fouille au corps et contrôle de tout bagage ou colis suspect. « Trois agents en civil m'ont interpellé avant de me conduire dans une cage d'escalier à la rue Didouche. Ils m'ont fouillé et soumis à un interrogatoire musclé en m'expliquant que c'était pour ma sécurité », témoigne un jeune non sans une pointe d'agacement. Un autre évoque une même opération du côté du boulevard Mohamed V. Les mots d'ordre de Ali Tounsi et les appels à la « vigilance » de Zerhouni semblent ainsi avoir trouvé écho au niveau le plus bas de la hiérarchie. Mais nombdu fait que la traque des réseaux du GSPC et autre « AQMI » (Al Qaïda du Maghreb islamique) doit s'intensifier dans les piémonts qui entourent la capitale ainsi que les caches terroristes où se préparent les attentats. Pour eux, l'idéal serait une large offensive qui permettrait de neutraliser en profondeur les réseaux terroristes en s'attaquant aux usines de la mort où sont fabriqués les engins macabres. La guerre du renseignement s'avère plus que jamais décisive pour désamorcer la machine de la terreur et la couper de ses relais qui l'alimentent en kamikazes et en explosifs.