La protestation des étudiants a commencé de la cité universitaire de l'ex-Habitat, située à la sortie-est de la ville de Tizi Ouzou, pour atteindre les autres sites universitaires. La cause : la directrice des œuvres universitaires de Hasnaoua (DOUH), Mme Larfi, a pris la décision de la transformer en cité pour jeunes filles en raison du nombre important des bachelières reçues en 2007, explique-t-on. Mais des étudiants en fin de cycle refusent de quitter les lieux pour la résidence de Hasnaoua. Malgré l'insistance de l'administration, les étudiants ne décampent pas. Un fait qui marque le début du bras de fer opposant la direction aux étudiants adhérents à la Coordination locale des étudiants (CLE) et qui perdure depuis le mois de septembre dernier. Pour sa reconversion en cité pour filles, des travaux de réhabilitation ont été entamés. A l'heure actuelle, un seul bloc sur les trois existants est réceptionné, occupé par des filles de première année. Les travaux dans les deux autres pavillons (qui sont toujours occupés par les garçons contestataires), le réfectoire et l'administration situées au rez-de-chaussée sont à l'arrêt. L'éta d'avancement des travaux de réhabilitation est estimé à 30%. Le fonctionnement de l'administration est limité à la permanence des agents de sécurité et les travailleurs du restaurant. « Pour nos pavillons, les ouvriers font le strict minimum. On nous laisse braver des conditions difficiles. Pour nous, c'est comme un châtiment contre nous pour nous être levés contre la directrice », dit un résident. Dans les blocs, les déchets ne sont pas ramassés. Une seule conduite d'eau alimente les étudiants. Les sanitaires sont repoussants par leur saleté. Les ordures sont amoncelées à ciel ouvert, à défaut d'une niche. Le peu de travaux effectués sont visiblement bâclés. Les capacités d'accueil de 320 lits et d'un réfectoire d'une capacité de 400 places s'avèrent insuffisantes. Le nombre d'étudiantes sera porté cette année à plus de 600 résidentes, selon la CLE. « On imagine dans quelles conditions elles seront logées. Les salles de lecture sont transformées en chambres. Le nombre d'occupantes par chambre est actuellement de plus de 4, un chiffre qui sera doublé avec l'arrivée des autres », déclare un étudiant en médecine. Dans les cités universitaires, c'est le marasme. Dans les pavillons de la résidence Hasnaoua, le constat est effarant. Après la traversée d'une cour qui regorge d'eaux usées à l'entrée du bloc B, une odeur nauséabonde s'en dégage. Les sanitaires sont sales, les coupures d'eau fréquentes. Les paliers sont lugubres et sentent mauvais. Dans les coins, des morceaux de pain, des plats vides ramenés par les étudiants, ainsi que la ferraille de lits cassés laissés sur place. Les toilettes sont dépourvues de portes. Avoir de l'eau chaude dans les douches est un rêve. « Je chauffe de l'eau grâce à mon thermoplongeur pour prendre ma douche ou laver mon linge », fulmine Djemaâ, un étudiant en littérature anglaise. Les chambres sont surchargées. Plus de 4 personnes dans un espace réduit. Le phénomène des extra-universitaires est pesant aussi. Pour contenir le surnombre des nouveaux bacheliers, l'administration n'a fait que dans le replâtrage, estiment les étudiants. Des informations font état de plus de 3000 étudiants ayant droit à des chambres, mais qui sont pris en charge par leurs camarades à ce jour. Pour parer à un déficit de 200 places, des sanitaires sont transformés en chambres. Le lourd poids du vécu quotidien pèse sur la pédagogie. « Les ouvrages manquent en quantité et en qualité. On ne trouve pas ce qu'on cherche. Les prix des livres dans les librairies sont hors de portée des étudiants. Il n'y pas eu de nouvelles acquisitions d'ouvrages », déclare Sid Ali. Sur le plan socioculturel, le bloc qui est dédié à abriter des activités culturelles ne reçoit que des conférences et des projections sporadiques, et des films documentaires. Ce qui est considéré insuffisant. C'est la léthargie culturelle. L'espace contient aussi une salle de télévision et une vingtaine de chaises. Seule la chaîne ENTV est captée. Dans la salle mitoyenne, le cafetier est dépassé par le rush des clients. Midi passé, un saut au réfectoire en vaut la peine. Au menu : du riz, du poisson congelé, quelques feuilles de salade et des oranges. La queue avance lentement. Les étudiants sont sur les nerfs. Hamid, impatient, tonne : « Nous sommes là depuis près d'une heure et demie. Le rythme est très lent. En plus, les travailleurs et les étudiants qui grillent la file … » Parfois, les plateaux manquent. Pour prendre le petit-déjeuner, il faut se lever à 6 h. A midi, trois réfectoires sont de service, deux le soir et un seul les week-ends et le matin, alors que le nombre d'étudiants est quasiment le même. Le stress rythme la vie dans les campus.