Photo : Riad De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad L'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, qui compte 41 500 étudiants, dont 10 844 nouveaux inscrits, a vécu cette année une rentrée et des moments de lutte acharnée traversés malheureusement par des faux pas inimaginables dans un tel lieu censé être l'antre du savoir et de la tolérance. La Coordination locale des étudiants (CLE), qui réunit 18 comités estudiantins, a pourtant repris cette année le flambeau de la revendication dans la région de Kabylie au moment où les acteurs traditionnels de la scène politique avaient marqué le pas. De l'espoir. Cependant, de la voie pacifique, naturelle dans ce milieu, la contestation, pourtant très organisée autour des comités autonomes des étudiants, a débordé sur le terrain de la violence laissant sans voix les plus optimistes défenseurs quant à l'avenir de l'université algérienne. Une situation ayant nécessité la médiation du directeur de l'Office national des œuvres universitaires, l'ONOU, qui s'était déplacé sur les lieux avant d'installer une commission d'enquête à l'effet de faire la lumière sur les raisons du grave conflit et les accusations de violence. Tout avait commencé au début de l'année universitaire qui s'achève quand l'ex- directrice de la DOUH, Mme Larfi, décide d'affecter les résidences universitaires de Draa Ben Khedda et de l'ex-Habitat, occupées par des garçons, à l'hébergement des filles. Ces dernières représentaient 69% des nouveaux bacheliers, au nombre de 11 356, avec, en plus, une croissance des effectifs de 16%. La DOUH, pour rappel, gère sept résidences universitaires de 10 668 lits et douze restaurants assurant 21 000 repas/jour. Les étudiants, qui avaient rejeté cette décision, ont élaboré un programme de protestations entre marches, grèves, rassemblements, sit-in, pétitions… transformant l'enceinte universitaire et le chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou en un véritable théâtre de revendications pacifiques durant plusieurs semaines, voire mois, suscitant une adhésion estudiantine rarement égalée au sein de cette université connue pour ses traditions de lutte. 18 comités estudiantins constituant la Coordination locale des étudiants (CLE) ont tenu en haleine les responsables de l'université tant au niveau du ministère, à Alger, qu'à l'échelle locale, ainsi que les autorités locales, une image qui contraste avec le reflux qu'a connu l'activité politique et syndicale en Kabylie ces derniers mois. En plus des problèmes sociaux et des services liés à la qualité de la restauration, de l'hébergement et du transport, ainsi que la sécurité, la CLE avait dénoncé le nouveau système LMD qui serait un échec, selon une déclaration de la Coordination rendue publique à l'époque. Fin 2007, la situation se corse et le recours aux méthodes violentes fait son apparition lors des actions organisées par les étudiants. Des actions grandioses de la CLE surprennent les observateurs. Les échanges entre les agents de sécurité et les étudiants deviennent de plus en plus malveillants jusqu'à en arriver aux mains, aux jets de pierres, à la destruction et au saccage de biens. «En dépit de la mobilisation estudiantine et des diverses actions entreprises dans le cadre des comités autonomes pour dénoncer la situation sinistre, que ce soit sur le plan social que pédagogique, l'UMMTO, ne cesse de subir et d'endurer la politique de l'abîme préconisée par le système et mise en œuvre par une pseudo-administration dont la finalité n'est autre que d'en finir avec son rôle moteur dans la société ; étouffer toute forme de protestation légitime à travers la normalisation, la caporalisation et l'embrigadement de l'université en usant de moyens et méthodes de bas âge dont la destruction des comités autonomes, les intimidations et les agressions des étudiants par des agents de sécurité, l'instrumentalisation de l'institution judiciaire et autres manipulations et les restrictions de budgets», alertait la CLE qui dénonçait à l'occasion «l'insécurité grandissante qui règne dans les campus et les cités universitaires ainsi qu'aux alentours (agressions, vols), l'agressivité des agents de sécurité et leur implication dans un conflit syndical opposant des étudiants aux responsables des œuvres universitaires.» A la mi-janvier, des scènes de violence ont eu lieu dans le sillage d'un rassemblement estudiantin : des locaux, du mobilier et des véhicules ont été saccagés. Plus grave : des blessés ont été enregistrés parmi les protagonistes. La grande mobilisation perd de son charme. Fin janvier 2008, l'ONOU met fin aux fonctions de la directrice de la DOUH. Les étudiants fêtent «ça» mais se montrent mécontents quelques semaines après de l'avancée de leurs revendications et menaçaient de reprendre la protesta. La période des examens est-elle pour quelque chose dans cette halte dans la mobilisation ? Sûrement, mais les étudiants promettent de revenir plus forts à la rentrée prochaine, et portés seulement, espérons-le, sur les voies pacifiques. Le rôle de l'administration est plus signalé dans la garantie de la sécurité et la prévention de la violence dans l'enceinte universitaire.