Le FLN de Abdelaziz Belkhadem mène depuis une année une campagne pour la révision de la Constitution et pour un troisième mandat pour le président Bouteflika. Les partis de l'Alliance présidentielle, RND et MSP, ne le suivent pas encore sur cette voie. Abdelaziz Bouteflika n'a pas dit s'il va succéder à lui-même en 2009. D'autres le font à sa place. A quatorze mois de l'élection présidentielle, l'actuel locataire du palais d'El Mouradia laisse planer le doute. Il avait déjà tenté « la méthode » en 1999 lorsque le microcosme algérois faisait bruit autour du « candidat du consensus » alors que lui adoptait un silence tactique. Faire durer le suspense, cela peut séduire en politique. Mais la séduction a cette tare d'être éphémère, volatile. Entre deux bains de foule à Tamanrasset, il avait lancé, à une vague question d'une journaliste : « Les choses son claires. » Il est connu que le chef de l'Etat ignore la presse algérienne depuis son arrivée au pouvoir, il y a neuf ans. Là, il avait voulu innover, mais le coup est presque raté. Puisqu'à un certain niveau de responsabilité, les demi-mots n'ont pas de sens. Sauf si la volonté est d'entretenir davantage la confusion. Premier à se mettre en avant, le FLN. Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général de ce parti et chef du gouvernement, a jeté tout son poids pour demander, dans un premier temps, l'amendement de la Constitution, ensuite prier Abdelaziz Bouteflika de se présenter pour un troisième mandat. Son argument : « maintenir la stabilité » et « permettre au président d'achever ses projets ». Le chef du gouvernement a même profité de la visite en Algérie du président français Nicolas Sarkozy pour lancer de nouveau son appel, comme s'il voulait suggérer qu'un « soutien » précieux allait être fait par Paris à cette demande, étant donné que l'appui des autres grandes capitales n'est plus assuré. La raison en est simple : la présidence à vie a été supprimée dans la plupart des pays. BELKHADEM FAIT CAVALIER SEUL Abdelaziz Belkhadem, qui était membre du bureau politique du parti en 1996, n'avait rien trouvé à dire sur l'appui fort du FLN à la révision constitutionnelle ordonnée par Liamine Zeroual et qui avait limité les mandats présidentiels à deux. Le FLN autant que l'UGTA et l'UNFA ont la mémoire courte. Ils avaient tous applaudi cette « avancée » démocratique de limitation de mandats. Reste une énigme : l'engagement sans faille du FLN a de quoi susciter les doutes. Ou ce parti, qui n'a pas quitté les rouages du pouvoir depuis l'indépendance du pays, est au courant des plans futurs du président de la République et qu'il joue le rôle d'« amplificateur » pour susciter « l'adhésion ». Ou il n'est sûr de rien du tout et qu'il fait du bruit pour faire croire à l'existence d'un « consensus » en haut lieu. Dans tous les cas, Abdelaziz Belkhadem, qui écrase son ambition présidentielle, s'expose trop au risque de « griller » à jamais sa carrière politique. En est-il conscient ? Ou a-t-il des assurances ? Le FLN n'arrive même pas à convaincre ses partenaires de « l'Alliance présidentielle » à prendre le même bateau, comment peut-il amener l'opinion publique à adhérer ? Le RND, qui n'est pas un parti autonome autant que le FLN, se met dans l'habit des observateurs prudents. Il attend que Abdelaziz Bouteflika se prononce et décide de la révision de la Constitution pour se positionner. Il est dit que le parti d'Ahmed Ouyahia, ex-chef de gouvernement, reflète souvent des points de vue exprimés dans des cercles au fait de « l'évolution » du système politique. Sauf que le RND connaît déjà des fuites. Des organisations et des personnalités, réputées proches de ce parti, vieux de onze ans, ont commencé à relayer l'appel pour « un troisième mandat ». Il s'agit, entre autres, de l'Organisation des enfants de moudjahidine (ONEM), que dirige Khalfa Mebarek depuis des lustres, et du Comité olympique algérien (COA) de Mustapha Berraf. En prenant une position politique, le COA n'a-t-il pas violé les règles de l'olympisme qui imposent la neutralité ? Le COA agit exactement comme les Scouts musulmans algériens (SMA) qui s'affichent dans toutes les occasions politiques traînant par terre les règles universelles du mouvement des scouts. « RECUL SUR L'ACQUIS DEMOCRATIQUE » Le MSP est sur la même longueur que le RND avec toutefois un léger décalage. Abdelmadjid Menasra, vice-président du parti, a déclaré qu'« une option de troisième mandat est un recul sur un acquis démocratique ». Si révision il y aura, elle devra, selon lui, se faire autour d'un dialogue et « qu'elle émane d'une volonté de réforme de la Constitution pour plus d'équilibre entre les institutions et non pas obéir à des visées partisanes ou personnelles ». L'UGTA, qui ressemble à un simple appareil d'exécution et qui a abandonné le terrain de la contestation syndicale, s'est jointe aux rangs des partisans d'un autre mandat pour Bouteflika. La direction de la centrale syndicale s'est exprimée alors qu'elle n'a même pas « la légitimité » du congrès, assises reportées sans raison par Abdelmadjid Sidi Saïd qui, éclaboussé par l'affaire Khalifa, n'a plus la liberté de tout dire. Autre « acteur » politique, l'ENTV, qui ne se comporte plus comme un média, s'est mise à amplifier tout ce qui va dans le sens d'un troisième mandat. Par exemple, elle ouvre son antenne à une curieuse « académie de la société civile » et à un illustre inconnu Khaled Bounedjma pour « prier » le locataire d'El Mouradia de se représenter à la magistrature suprême. Elle s'arrange pour diffuser des reportages où elle met en scène des personnes qui remercient Bouteflika de tout ce qu'il fait pour eux comme cette connexion de gaz naturel dans un village de Bord Bou Arréridj ! L'ENTV aurait été crédible si elle avait permis à ceux qui sont contre la prolongation de mandats présidentiels de s'exprimer au journal de 20h. Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du FLN, a estimé que « la prolongation du mandat du président sans changement radical du système du pouvoir conduit le pays, au minimum, à une impuissance plus marquée à résoudre ses problèmes ». Le FFS va dans le même sens. « C'est tout le système politique en Algérie qu'il faudra changer », a déclaré Karim Tabbou, premier secrétaire du parti. Selon lui, depuis la première Constitution imposée au lendemain de l'indépendance, aucune Constitution n'a réussi « à protéger ni les hommes ni les institutions ». Pour sa part, Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement, a déclaré que la révision de la Constitution « ne règle pas la crise ». « Un changement initié en dehors du régime ne peut aboutir, mais un processus de démocratisation ne peut s'élaborer en vase clos en dehors de la société et sans son contrôle », estime-t-il. Le Front national algérien (FNA) de Moussa Touati, parti qui a émergé lors des dernières élections locales, ne voit aucun intérêt à amender la Constitution. Le RCD est favorable à un changement en 2009. « Pourquoi un troisième mandat ? Pour avoir plus de terroristes, plus de voleurs, plus de harraga, plus de chômeurs ou de mendiants ? En la matière, tous les records sont battus et le futur ex-candidat peut passer la main avec la satisfaction que procure le devoir accompli », estime le parti de Saïd Sadi, dans un éditorial publié dans son site web. Depuis plusieurs semaines, des pétitions circulent sur internet pour exprimer un refus d'un autre mandat pour l'actuel chef de l'Etat. Dans l'une d'elles, il est noté que l'Algérie de 2008 a d'autres priorités que d'organiser « la poursuite du statu quo ». « La campagne qui fait croire que le troisième mandat pour le président Bouteflika est une revendication nationale et populaire est une flagrante violation de la Constitution. Pour les promoteurs de cette campagne, la loi fondamentale du pays est un simple obstacle à contourner sur la voie d'une nouvelle présidence à vie », est-il écrit dans cette pétition soumise à signature.