Le leader palestinien Georges Habbache est mort samedi dans le capitale jordanienne à l'âge de 82 ans. Mais l'histoire retiendra son parcours peu ordinaire pour avoir consacré soixante années de sa vie à la cause de son peuple. Toute une vie avant de s'éclipser puis de disparaître à tout jamais. « Il est décédé samedi peu après 20h à l'hôpital », s'est contenté de dire l'ambassadeur de Palestine à Amman, Atallah Khairy. Il a affirmé que Georges Habbache avait été « hospitalisé il y a dix jours à Amman à la suite de problèmes cardiaques ». Né à Lydda (aujourd'hui Lod, en Israël) en 1925, il était malade depuis quelques années et avait décidé de vivre en Jordanie, pays d'origine de son épouse. Reste son message, puisque quelques jours avant sa mort, selon un membre de son mouvement, il avait recommandé que la lutte continue jusqu'à la libération de la Palestine. Et c'est là d'ailleurs où réside l'essentiel de son parcours. Avocat intransigeant du nationalisme palestinien, tribun révolutionnaire enflammant ses auditoires par son charisme, Georges Habbache avait fondé le FPLP à la fin de l'année 1967. Habbache avait quitté la direction du FPLP en 2000. Le FPLP anime alors l'aile dure de la résistance portée vers l'action armée. Et il en a mené, et certaines étaient spectaculaires, ce que lui reprochait le Fatah de Yasser Arafat. La Jordanie, où Georges Habbache est décédé samedi, avait été son premier ennemi. Le FPLP s'était fait connaître par les détournements d'avion en Jordanie et Habbache avait appelé à la chute du régime, avant l'affrontement sanglant de septembre 1970 (septembre noir) entre l'OLP et l'armée jordanienne qui conduira à l'élimination de la résistance en Jordanie. Le FPLP s'était également illustré par des attentats contre des avions de la compagnie israélienne El Al, des sabotages d'oléoducs et des attaques d'ambassades israéliennes. Ou encore plus récemment, la liquidation tout aussi spectaculaire puisqu'elle ne manque pas d'audace du ministre israélien du Tourisme, au cinquième étage d'un hôtel de Tel Aviv, en riposte à l'assassinat quelques jours plus tôt de Abou Ali Moustapha qui avait succédé à Georges Habbache à la tête du FPLP. Membre influent de la résistance palestinienne, il avait toujours voulu préserver cette tendance pour avoir assisté, mais sans jamais prendre part aux combats fratricides interpalestiniens comme ceux des années 1980 au Liban, et partant, assurer cette fameuse autonomie de décision palestinienne. Cette sagesse et surtout ce bon sens apparaîtront dans toute leur dimension lors de la réunion en 1991 à Alger du CNP (Conseil national palestinien), avec, à son ordre du jour, la tenue quelques jours plus tard à Madrid de la conférence pour la paix au Proche-Orient. Bien entendu, lui le partisan de la lutte armée connu pour son intransigeance, y était opposé. Mais il se soumettra à la tendance générale. Et là, l'histoire retiendra que pour la première fois de son histoire, le CNP, entendre par là le défunt dirigeant Yasser Arafat, avait substitué la règle de la majorité à celle du consensus qui prévalait alors. Arafat avait remporté une victoire. Mais en réaction, Georges Habbache avait refusé de faire de l'opposition. « On passe, nous dira-t-il alors, de révolution jusqu'à la victoire, à unité jusqu'à la victoire. » Depuis sa retraite, il devait se dire qu'il avait bien raison de ne pas croire à une quelconque volonté de paix israélienne. Mais Arafat aussi ne manquait pas d'arguments en interpellant tous ceux qui auraient d'autres choix, et cela après avoir constaté que le monde avait changé, et que toutes les frontières arabes avec la Palestine étaient hermétiquement fermées. Malgré tout ce bon sens, Habbache avait quelques coups de colère. Comme pendant la première Intifadha palestinienne déclenchée en décembre 1987. Il n'a pas manqué de dénoncer un prince arabe qui avait offert 18 millions de dollars pour acquérir un poulain irlandais, alors que les Palestiniens se battaient et étaient chaque jour proches du désastre humanitaire. « Il faut que les Algériens et l'opinion arabe connaissent cette vérité », nous disait-il. Acheté aux enchères pour remporter des prix, ce poulain, apprendra-t-on plus tard, n'a jamais participé à la moindre course. Habbache s'en va sans renier ses principes, même si des membres, souvent influents de son organisation, s'en éloigneront, ou qu'ils chercheront à tempérer, se persuadant que la négociation était possible.