Son nom restera à jamais lié au mouvement de résistance arabe dans lequel il a joué un rôle prépondérant. Le grand militant de la cause palestinienne, Georges Habbache, 82 ans, est mort samedi dernier à Amman, des suites d'un arrêt cardiaque. Il s'est retiré de l'activité politique voici quelques années avant de s'établir dans la capitale jordanienne, Amman, la Jordanie étant le pays d'origine de son épouse. Quoique retiré des affaires publiques palestiniennes depuis plusieurs années, il n'en reste pas moins que le nom de Georges Habbache est étroitement lié au mouvement de résistance arabe qu'il a marqué de son empreinte. Fondateur du Front populaire de libération de la Palestine (Fplp) en 1967 - qu'il dirigea jusqu'en 2000 - Georges Habbache a joué un rôle prépondérant dans la résistance populaire à l'occupation israélienne, d'une part, dans le retour sur le premier plan de la question palestinienne, d'autre part. Docteur en médecine, il fit ses études à l'université américaine de Beyrouth. Georges Habbache était, en outre, un marxisant convaincu, à la tête de la frange la plus politisée et portée vers l'action dans le combat du peuple palestinien. C'est un «historique» palestinien qui vient ainsi de disparaître après le Zaïm Yasser Arafat, mort en novembre 2005. Le leader du Front populaire de libération de la Palestine s'est, dès l'entame, opposé au processus de paix initié à Madrid en 1991, et qui a abouti en 1993 à la signature du traité d'Oslo entre l'OLP et Israël. Traité qui, finalement, n'a apporté rien de nouveau au complexe dossier palestinien, confortant pour ainsi dire la méfiance de Georges Habbache qui n'a jamais cru que l'édification d'un Etat palestinien puisse se faire par la seule négociation, sans que, pour autant, il ait été un partisan de la guerre pour la guerre. Avec le temps, cependant, le vieux leader, sinon assagi, avait du moins pris du recul par rapport à sa philosophie de tout miser sur l'action, quand il mettait en avant un principe qui le guida de nombreuses années, préconisant «la révolution jusqu'à la victoire». Revenu sans doute, l'expérience aidant, du tout-révolutionnaire, Georges Habbache, instruit par ce qui se passait dans les territoires palestiniens occupés où les factions se déchiraient, militait désormais pour «l'unité jusqu'à la victoire». La situation à Ghaza, la scission entre le Hamas et le Fatah, renforce sa crainte, tant le devenir palestinien est d'abord et surtout conditionné par l'unité du peuple palestinien vers le seul objectif qui mérite le sacrifice et qui reste l'édification d'un Etat palestinien. Un Etat pour lequel Georges Habbache - qui s'est beaucoup battu - ne verra pas de son vivant. Le tournant de la carrière politique et militaire de Georges Habbache se situe en 1967 après la cuisante défaite de juin de la même année contre Israël. La défaite arabe lors de la guerre des Six jours en 1967 fut dramatique pour les Palestiniens qui seront éparpillés entre plusieurs pays arabes où ils n'étaient pas toujours les bienvenus. Septembre noir (cela s'est passé entre le 1er et le 27 septembre 1970), conséquence directe de cette défaite, a été le moment le plus sombre, le plus cruel aussi, pour le peuple palestinien qui, pourchassé par les Israéliens, ne s'attendait pas à l'être également par ses frères arabes. Aussi, peut-on évoquer Habbache sans revenir sur Septembre noir auquel son nom est intimement lié? Bien sûr que non! En 1970, la situation prévalant en Jordanie où la diaspora palestinienne est devenue quasiment majoritaire dans le pays, indisposait grandement le monarque hachémite qui décida d'y mettre bon ordre alors qu'il cherchait plutôt un compromis avec Israël, allant jusqu'à avaliser le plan Rogers, qui préconise la fin des opérations militaires contre Israël. Au début de 1970, le roi Hussein prit la décision de réduire les activités des fedayin, induisant une tension de plus en plus forte entre la Résistance palestinienne, qui considéra ce qui se passe en Jordanie comme une trahison envers la cause sacrée de la Palestine, et le monarque jordanien. Le Fatah de Yasser Arafat mais surtout le Fplp de Georges Habbache refusent alors de se plier aux injonctions du roi. Aussi, les mesures du monarque hachémite, loin de dissuader les groupes de la Résistance, incitèrent, au contraire le chef du Fplp à radicaliser davantage le mouvement de résistance en passant à l'action directe contre Israël. Dès lors, une série d'attentats contre des avions d'El Al, la compagnie aérienne israélienne, de sabotages d'oléoducs, d'attaques d'ambassades d'Israël et de multiples détournements d'avions dans le désert jordanien ont marqué ce neuvième mois de l'année 1970 et jalonné le parcours de la Résistance, contribuant, par ricochet, à faire connaître au monde le drame au quotidien que vivent les Palestiniens. Mais ces derniers payeront le prix fort à Septembre noir, lorsque la répression s'abattit sur eux, conduite par les bédouins fidèles au roi Hussein. Le nombre de victimes palestiniennes dès la répression de septembre 1970 n'est pas connu: il oscillerait entre 3500 (selon les sources jordaniennes) et 10.000 (comme l'affirment les Palestiniens), montrant combien les Arabes peuvent surpasser en cruauté même l'occupant israélien. La ligne dure adoptée par Habbache n'agréait, certes, pas un autre monument de la Résistance palestinienne, le défunt Yasser Arafat, mais les deux hommes se sont toujours respectés et apprécié leurs efforts mutuels pour la libération de la Palestine; ce qui, tout compte fait, demeurait la chose la plus importante et dépassait les humeurs des hommes. En hommage au grand militant de la cause palestinienne, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a décrété la mise en berne, durant trois jours, sur tous les territoires palestiniens, de l'emblème national. Le président Abbas a, par ailleurs, déclaré que «le décès de ce leader historique est une grande perte pour la cause palestinienne et le peuple palestinien pour lequel il a combattu durant soixante ans».