L'universitaire Mekhloufi Chettouhi vient de publier aux éditions Al-Lissanain, un autre ouvrage, un conte pour enfants intitulé Houria et le 11 Décembre. Dans cet entretien, l'auteur revient sur les raisons qui l'ont poussé à livrer un tel ouvrage aux enfants. Après avoir publié plusieurs manuels scolaires pour le troisième palier, vous venez de livrer un autre conte pour enfants en langues française et arabe … Oui, en effet. Etant enseignent, j'ai commencé par publier plusieurs livres « scolaires » dont, entre autres, Le Fait divers, Conjugaison, nouveau guide, Nouveau dictionnaire d'apprentissage. J'ai publié ces ouvrages dans le but d'apporter un petit plus à mes élèves, tous niveaux confondus, en matière d'apprentissage du français. Ces productions se caractérisent par l'emploi de la langue source, l'arabe, pour permettre l'acquisition de la langue ciblée, le français. Par ailleurs, étant convaincu que la lecture reste le meilleur moyen de se familiariser avec cette langue, surtout quand on n'a pas la possibilité de bénéficier d'un bien linguistique, je suis passé au conte. Alors, pour joindre l'utile à l'agréable, j'ai écrit, il y a deux ans, Bacar et le crocodile, dans les deux langues. Pourquoi dans les deux langues ? Et bien, c'est pour permettre à l'enfant d'aborder le texte en français sans appréhension. Dans cette démarche, l'arabe constitue une note de « prétexte » en quelque sorte. J'ai touché aussi à la littérature en publiant , toujours aux éditions Al-Lissanain, un récit de voyage, En route pour le joyau de l'Islam, une aventure qui m'a mené, avec deux compagnons, jusqu'au Taj Mahql, en Inde. Mais cela, c'est une autre histoire... Pour revenir à Houria et le 11 Décembre, j'ai adopté la même démarche que pour le conte. L'histoire est racontée dans les deux langues pour les mêmes raisons. Pourquoi, dans votre ouvrage, cet avertissement de taille et lourd de sens à la fois, en l'occurrence par la préface d'un manuel Histoire de France et d'Algérie destiné aux écoliers français et algériens durant la période coloniale ? J'ai estimé que l'avertissement était nécessaire pour mettre le lecteur, le jeune en l'occurrence, dans le bain. L'époque coloniale est un « référent » plutôt flou pour lui, c'est pourquoi les éditions Al-Lissanain lui dédient la collection Enfance et colonisation. « Petite préface » : pour attirer l'attention du lecteur sur quelques points particuliers, nous dit Le petit Robert dans sa définition, à propos du terme avertissement. Ces quelques points particuliers interpellent précisément notre jeune lecteur à plus d'un titre, dans la mesure où il va s'identifier à ces enfants algériens (aujourd'hui parents et grands-parents) qui ont défié l'autorité coloniale. Il est sûr qu'on ne peut pas penser à cette scélérate loi du 23 février 2005, adoptée par Parlement français, dont l'article 4 stipule que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la colonisation ». Curieusement, ce discours, qui fait l'apologie de la colonisation en 2005, est le même que celui que l'on retrouve dans le manuel Histoire de France et d'Algérie, destiné aux écoliers français et algériens durant la période coloniale : « L'Algérie profite des bienfaits apportés par la France. Partout, des écoles et des hôpitaux ont été construits... » Le personnage de Houria est emblématique à plus d'un titre, permettant ainsi à la nouvelle génération de se familiariser avec leur glorieuse révolution nationale … Oui, Houria est cette écolière qui, à l'instar des enfants algériens qui « n'ont pas retenu leur leçon », comme il est dit dans l'avertissement, va défier l'autorité coloniale. Et en s'identifiant à l'histoire, le jeune lecteur va revivre ces moments manifestations politiques du 11 Décembre 1960 tragiques, mais ô combien exaltantes mais aussi à braver la mort, affronter à mains nues, drapeaux au vent, la police coloniale, les CRS, les parachutistes sanguinaires... aux cris de l'Algérie libre, « l'Algérie indépendante » ! Emblématique aussi est le personnage de Marianne, la camarade de classe de Houria. Avez-vous d'autres projets en perspective ? Le prochain récit de la même collection sortira à l'occasion de la Journée du Savoir, le 16 avril prochain.