En 2006, la réalisatrice américaine Sofia Coppola a consacré un film remarqué à Marie-Antoinette, l'ultime reine de France guillotinée peu après son époux Louis XVI. La cinéaste américaine s'inscrivait dans un mouvement plus large d'introspection du rapport à l'histoire et à ses personnages les plus emblématiques. De nombreux ouvrages et films s'étaient ainsi attachés à faire la lumière sur la personnalité de Marie-Antoinette passée dans la postérité sous les traits les plus défavorables. Dans cette abondante production figure aussi le docu-fiction de David Grubin, diffusé sur Arte, qui est d'une certaine manière un plaidoyer pour Marie-Antoinette. Les préjugés ont longtemps pesé sur cette reine que les Français considéraient comme étrangère malgré ses efforts d'intégration contrecarrés par une hostilité croissante du peuple et des élites françaises aux affaires de la cour. Le royaume de France était alors considérablement affaibli et gouverné par Louis XVI, roi sans consistance ni envergure personnelle. Louis XVI était arrivé au pouvoir au moment où les Français étaient de plus en plus nombreux à vouloir en finir avec les privilèges exorbitants de la noblesse. Souverain timoré et velléitaire, Louis XVI laissait les choses se dégrader sans agir. Le règne était ressenti comme une punition par ce roi qui préférait vaquer à des occupations plus bucoliques et tranquilles. Il était même difficile de voir en lui l'héritier de Louis XIV et encore moins de son propre père Louis XV dont Alexandre Dumas fera un héros romanesque. Marie-Antoinette avait été mariée à Louis alors qu'elle n'avait que quatorze ans et que le futur roi de France n'était guère plus vieux. L'idéal de Louis était au fond de mener une vie bourgeoise organisée autour du jardinage et du bricolage. La couronne sera un fardeau pour lui et pour Marie-Antoinette qui, en tant que reine de France, ne pouvait pas intervenir dans les affaires du royaume. Le destin ou le hasard l'avaient fait venir d'Autriche en France pour épouser un prince sans caractère et qui ne se comporta même pas comme un mari. Ce n'est bien après qu'il soit devenu roi qu'il se résignera enfin à accomplir ses devoirs d'époux sous la contrainte d'un pays qui réclamait un héritier. Pour être reine, Marie-Antoinette n'en était pas moins femme et dans le contexte de l'époque cela joua en sa défaveur, car les pires calomnies commençaient à circuler sur son compte. Frivole, excentrique, dispendieuse seront les qualificatifs de cette reine qui était au centre de toutes les rumeurs. Elle dépensait des fortunes au jeu alors que le peuple criait famine et était accablé d'impôts qui finissait dans les poches de cette reine avide de plaisirs et de luxe. Même Louis XVI n'avait pas pu empêcher ce torrent de calomnies d'atteindre son espace intime. Des textes incendiaires circulaient dans tout le royaume sur Marie-Antoinette qui ne fut pas épargnée même lorsque, enfin, elle eut des enfants. C'était déjà trop tard parce que, par-delà Marie-Antoinette, la France était entrée dans un cycle de bouillonnement politique et social qui annonçait la Révolution de 1789. Marie-Antoinette n'avait pas l'étoffe politique de sa contemporaine Catherine de Russie. Elle ne savait pas déchiffrer les événements qui allaient précipiter la France dans le tumulte et surtout pas que le principe même de la royauté allait être remis en cause puis remplacé par un idéal républicain de liberté, d'égalité et de fraternité. Pas plus qu'elle, Louis XVI n'avait pas pris la mesure de l'histoire au point d'en perdre sa tête. Les révolutionnaires voulurent s'acharner sur sa veuve qui fut incarcérée, jugée et guillotinée pour faire un exemple dans la noblesse française et dissuader les autres nations européennes de voler au secours du royaume aboli. Marie-Antoinette avait été écrasée par le rouleau compresseur de l'histoire. Des films comme ceux de Sofia Coppola ou David Grubin constituent de fulgurants retours sur image. Ils donnent aujourd'hui une autre vision de Marie-Antoinette que celle de cette reine volage qui commandait qu'on donne des brioches au peuple qui réclamait du pain. Elle n'aurait jamais tenu de tels propos. Mais la chronique, comme les pages d'histoire, sont écrites par les vainqueurs. Il fallut du temps pour découvrir que cette femme accusée de tous les vices se comporta avec dignité devant la mort. Elle s'excusa auprès du bourreau qui allait lui couper la tête d'avoir marché par inadvertance sur son pied.