« Une fois qu'il éclatera, le scandale de l'agriculture sera plus retentissant que celui de Khalifa. » « On a fait de l'Algérie un immense comptoir où l'informel s'exerce en toute impunité », estime Abdelhak Brerhi qui avance la notion du mercantilisme économique pour qualifier la situation en Algérie, un pays dont la dépendance alimentaire coûte 5 milliards de dollars d'importation par an et où le tissu industriel est démantelé et qui, en conséquence, comptabilise 300 000 PME de service et 1,2 millions de commerçants, ce qui met en arrière plan le secteur productif. Il était venu jeudi à Oran sur invitation du CIVIC (comité d'initiative et de vigilance citoyenne), animé par Hadj Bengasmia. La rencontre devait initialement avoir lieu au siège du quotidien la Voix de l'Oranie, mais elle a été tenue, finalement, chez ce dernier. Le représentant du CCDR considère, face à la baisse du pouvoir d'achat dans un pays qui dispose paradoxalement de 110 milliards de dollars de réserves de change, que les subventions annoncées sur les produits alimentaires sont en réalité des solutions de facilité et une fuite en avant. Selon lui, le secteur de l'agriculture, garant de l'indépendance alimentaire, n'a pas eu l'attention qu'il mérite et les sommes injectées n'ont pas permis de relancer ce secteur. « Une fois qu'il éclatera, le scandale de l'agriculture sera plus retentissant que celui de Khalifa », prévoit-il en mettant par ailleurs en avant l'existence de « barons de la banane alors que la pomme produite en Algérie se vend à 130 DA. » Quand-il était à l'intérieur du système, il dit avoir toujours défendu le secteur public et la nécessité que l'Etat prenne en charge le commerce extérieur pour protéger et promouvoir la production nationale. Impasse Aujourd'hui, par « opposition au système actuel qui se trouve dans l'impasse et qui est en crise de légitimité et de crédibilité », ses modèles, pour les avoir cités, sont Abdullah Wade du Sénégal qui a osé dire non au projet européen pour l'Afrique (les APE), l'Amérique latine avec le Vénézuelien, le Chili, etc., ainsi que les autres forces du progrès. Il prône la lutte contre les multinationales et ceux qui sont assis sur les privilèges de la rente. Il cite le cas des opérateurs étrangers de téléphonie mobile qui ne produisent aucune richesse, ne transfèrent aucune technologie et qui expatrient des sommes colossales en devises. Conséquence de la cession des entreprises, « dans le meilleur des cas, la productivité réelle des Algériens, qui sont effectivement bien payés par des firmes étrangères, est exportée en bénéfice », estime-t-il en mettant en avant l'idée que « les démocrates n'ont jamais été subversifs » pour prôner un changement par la base, en respectant les règles du jeu démocratique dans le respect des droits et libertés fondamentaux qui, selon lui, ne sont pas entièrement garantis aujourd'hui. Il croit, comme indicateur, qu'avec les initiatives des syndicats autonomes et la grève des lycéens, l'espoir est encore permis. Selon lui, le chantier de l'éducation est une priorité et évoque les grands professeurs tels que Zerhouni et Senhadji qui ont fini par quitter le pays vers d'autres cieux pour, suppose-t-il, manque de perspectives. « En 2004, en soutenant Benflis, nous avons été dupés », avoue-t-il aujourd'hui, même s'il nuance en disant : « nous l'avons soutenu en lui disant : ‘'tu représentes une transition et non une alternative''. » « C'est une erreur que de penser qu'on peut changer le système de l'intérieur », considère-t-il en outre aujourd'hui, quand il se désole que « même le comité olympique supposé être apolitique joint sa voix à ceux qui appellent à un 3ème mandat. »