Avant, j'étais chômeur sans dettes et après avoir bénéficié du programme d'aide, me voilà toujours chômeur mais avec des dettes. » La sentence émane d'un jeune originaire de la ville de Béjaïa interrogé par une équipe de chercheurs du Centre français d'études et de recherche sur les qualifications (Céreq). Les résultats de l'enquête du Céreq sur « la politique algérienne d'insertion des jeunes » met en exergue la « cassure » entre les promoteurs et les administrateurs de l'Ansej une fois le projet réalisé. « Leurs relations avec les organismes professionnels restent rares et médiocres. Leur contact avec l'Ansej s'arrête juste après avoir reçu l'attestation d'éligibilité. Ainsi, les jeunes promoteurs sont livrés à eux-mêmes, non armés dans un environnement économique caractérisé par une concurrence très rude et souvent déloyale. Un environnement auquel ils ne peuvent faire face sans une formation ou une assistance technique ; une tâche qui ne peut être assurée uniquement par les services de l'Ansej », peut-on lire sur le document du Céreq. Les jeunes promoteurs se sentent souvent piégés par l'absence d'un système national d'information qui rend l'étude de marché quasi impossible. « Le manque d'expérience et de professionnalisme dans les bureaux d'études fait que ces derniers se contentent de simples études comptables basées sur les factures pro forma. Une étude qui ne propose aucun indicateur sur l'évolution du marché ni sur les opportunités et les risques de ce dernier. Cette situation fait qu'un pourcentage très élevé de jeunes entrepreneurs se voit confronté à une concurrence à laquelle ils ne sont pas préparés », analyse le Céreq. Alors que les entreprises créées dans le cadre du dispositif Ansej sont en majorité des entreprises individuelles, supposées être gérées par l'entrepreneur, l'enquête du Céreq a révélé que le pouvoir de décision dans l'entreprise revient souvent au bailleur de fonds. Il apparaît, dans certains cas, que le jeune promoteur a servi de « prête-nom » pour bénéficier des avantages promis par l'Ansej. « Le dispositif de l'Ansej exige que le jeune soit un chômeur. Un dilemme pour le jeune qui se voit obligé de faire appel à une tierce personne pour lui financer sa part. En contrepartie, la tierce personne devient gérante de l'entreprise », soulignent les chercheurs du Céreq. Et de souligner : « Nous avons constaté qu'un pourcentage très élevé d'entreprises est géré par des personnes dont leur nom ne figure nulle part : ni dans le dossier de l'Ansej ni dans celui de la banque prêteuse de crédits. Ces tierces personnes sont pour la plupart des commerçants ou des chefs d'entreprise désirant profiter du crédit bonifié et des exonérations d'impôts accordées dans le cadre du dispositif de l'Ansej. Ils cherchent de jeunes chômeurs dans leur entourage ayant les conditions exigées par la loi pour bénéficier de ce programme et ils leur proposent le financement de l'apport exigé par la loi. Leurs bons rapports avec les banquiers font augmenter les chances de voir le projet accepté. Ce qui n'est pas le cas pour les jeunes chômeurs désirant créer eux-mêmes une entreprise. » Ainsi, le dispositif de l'Ansej fait profiter beaucoup plus ceux qui sont introduits dans le monde des affaires que les jeunes chômeurs. Cette situation est renforcée par le comportement des banquiers qui accordent des crédits en se basant, souvent, sur des critères de confiance et d'affinités.