Qui ose y jeter un œil ? Les loges se retrouvent le temps d'une représentation théâtrale sur les planches. Le partage des espaces semble ainsi aboli : pas de coulisses et l'acteur qui s'y réfugie ne joue non pas le rôle qui lui est confié mais sa vie de tous les jours avec cette part qu'il veut toujours cacher. L'enfouissement revient au devant de la scène sans que l'on peut l'enfreindre, mais le peut-on réellement ? L'avant lever de rideau se trouve au centre de Opening night, une pièce qui avait eu en son temps un succès fulgurant. La pièce a été jouée à New York avant qu'un scénariste s'en inspire pour en faire un film, réalisé par John Cassavetes avec Gena Rowlands dans le rôle de Fanny Elli et qui avait eu un succès retentissant. Marie-Christine Barrault pour sa part s'est appropriée le personnage et en a fait son alter ego. Dans Opening night, cette grande actrice, comme en a su produire le cinéma français de la nouvelle vague, donne la pleine mesure de son art. Bon pied bon œil, elle saura s'y prendre par sa manière enjouée de damer le pion au plus pimpant des peoples. Marie Christine Barrault avait fière allure dans le rôle de l'actrice déchue et déçue. Elle s'y retrouve, puisque sa vie et celle de Fanny Ellis se confondent par moment. Sa vie nouvelle vie, Fanny ne s'y fait pas. Oublier son texte est le moindre de ses angoisses. Pour sa carrière Fanny Ellis se désintéresse de tout : mari volage, enfants qu'elle envoie loin de chez elle. Après une cure de désintoxication, elle revient au théâtre. Dans le grand désordre de sa vie, elle se remémore ses succès d'antan, ses désirs de stars et ses relations toujours passagères avec des « cow-boys » du cinéma ou encore son passage intéressé à Hollywood. Pour seul compagnon, il y a Hector qui tente de faire disparaître ses lubies et essaie de lui faire affronter un public devant lequel elle n'a pas joué depuis quelque temps déjà. Le trac qui l'amusait y est à coup sûr. Le miroir de la loge se confond avec ce public toujours aux aguets. Le 4e mur de cette loge infecte est ce parterre qui d'habitude n'apparaît aux artistes qu'une fois le rideau levé. Son passage à l'hôpital la mettra devant une vérité : on n'existe que si on est devant son public. Une fois qu'on quitte les planches, tous nous quittent sans trop d'encombrent, restent alors les plus fidèles parmi les fidèles. Une intrusion dans le monde de ceux qui font vivre les planches est possible : derrière le fard et les airs joyeux se cache un artiste avec toutes ses faiblesses. La démesure de l'acteur et ses peurs ressurgissent et les souvenirs refont surface. Commençant sa carrière au théâtre, Barrault saura se retrouver sous les sunlights sans pour autant quitter les planches. Elle donnera la réplique aux meilleurs acteurs et Woody Allen cherchera à impulser sa carrière outre-atlantique. Y a-t-il du Barrault dans la Fanny Ellis ? Assurément. Les artistes vivent dans l'angoisse de ne plus « jouer » et de « perdre pied » sur scène. L'ovation du public dans la pièce se mêlera avec celui du CCF, complètement conquis par la manière de jouer d'une Marie-Christine Barrault toujours raffinée et au summum de son art.