Nous ne mangeons plus de viande rouge. Trop cher. Ni de poisson, inabordable. Encore moins les fruits. Trop « acides ». Surtout pas de légumes. « Acerbes ». Alors, que doit-on consommer ? Rien, puisque apparemment notre portefeuille n'est pas assez vaste pour contenir la masse d'argent nécessaire aux commissions d'une seule journée. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, mais en tirs groupés, voilà que le poulet prend son envol pour atteindre des cimes insoupçonnées jusque-là. Ce gallinacé, que nous avions apprivoisé pour sa chair sans « effets secondaires », aussi bien pour la bourse que pour la santé, nous lâche aujourd'hui pour rejoindre le cercle, pas très fermé, des autres produits, qui étaient de large consommation. Dorénavant, et pour acquérir ce cher poulet, il faudrait débourser entre 250 et 270 DA pour le seul kilo. Les marchés constantinois en sont tout retournés. Les consommateurs aussi. Car la seule viande « refuge » vient de nous tourner le dos. A jamais ? Il semble que oui, puisque les prix de l'aliment de la volaille a atteint des sommets inattendus. Et il ne faut pas espérer une intervention des services publics, car la sacro-sainte loi du marché, applicable uniquement sur le dos du consommateur, est le paravent idéal derrière lequel ceux-ci se justifient. La preuve de l'inertie et de l'incapacité de ces pouvoirs publics a été illustrée par notre premier ministre, Abdelaziz Belkhadem, pour ne pas le nommer, en direct à la télévision, qui, pour répondre à un journaliste l'interpellant sur le prix de la pomme de terre, lequel ne baisse pas malgré une importation massive du tubercule pour juguler la hausse imposée par les intermédiaires, a eu cette réponse d'une rare élégance :« N' weklou alihoum rabbi », (on s'en remet à Dieu). Alors, et pour paraphraser un confrère, on peut toujours « fumer du thé car le cauchemar continue ». Plus dur sera le réveil.