Abdelmadjid Merdaçi, docteur en sociologie, diplômé en histoire, vient de coordonner la confection de l'ouvrage La nuit rebelle, édité par notre confrère La Tribune, à l'occasion du cinquantenaire de la Révolution du 1er Novembre. Aussi s'exprime-t-il sur ce choix. Entretien. Comment a germé le projet de l'ouvrage ? Permettez-moi tout d'abord de relever la contribution significative de le presse écrite à la commémoration du cinquantenaire du 1er Novembre et je veux profiter de l'occasion que vous m'offrez pour féliciter, en particulier, mes amis d'El Watan pour la qualité des deux suppléments réalisés. Pour revenir à votre question, il importe sans doute de rappeler tout l'intérêt que La Tribune a constamment accordé aux questions de l'histoire du nationalisme et de la guerre d'indépendance. Il m'est difficile de citer la diversité des dossiers et des contributions proposées à nos lecteurs et rappellerai-je, juste pour l'illustration, la belle présentation de l'œuvre de notre grand aîné Mohamed Harbi ou le tiré à part du dossier du congrès de la Soummam qui avait vu, pour la première fois et après une longue censure, le défunt président Benkhedda s'exprimer dans les colonnes de la presse nationale. Le projet de l'ouvrage s'inscrit ainsi en droite ligne d'un choix éditorial et nous en avons progressivement, au terme d'échanges continus avec Hassen Bachir Cherif, fixé l'objectif : éclairer autant que faire se pouvait ce que nous avions nommé La nuit rebelle. Concrètement, qu'est-ce qui était recherché ? Un autre regard sur Novembre 1954 ? La ligne de crête de l'ouvrage est d'abord de remettre Novembre 1954 dans la continuité historique, de rappeler à cet égard que si les acteurs directement à l'origine de la rupture décisive de Novembre 1954 s'inscrivaient bien dans la filiation du courant indépendantiste, l'événement lui-même relevait d'un ensemble complexe de détermination dont, au titre de l'exemple, l'autisme de la société coloniale, l'échec des réformismes algériens, y compris au sein du MTLD. Quelle a été l'économie générale de l'ouvrage ? Dès fin juin, nous avions engagé les contacts avec les auteurs, arrêté avec eux l'objet de leur contribution, fixé les délais de remise dès lors que l'architecture d'ensemble du texte était assez précisément arrêtée et dont trouve trace dans la gradation thématique de l'ouvrage. Je veux saisir cette opportunité pour renouveler les remerciements du collectif de La Tribune à tous nos amis qui ont accepté de donner vie à cette « nuit rebelle ». Comme vous pouvez l'imaginer, il y a eu, bien sûr, de la tension parce qu'il fallait à la fois tenir le challenge de tirer l'ouvrage à la date symbolique du 1er Novembre et en même temps s'acquitter des obligations professionnelles de sortie quotidienne du journal. Cela autorise à dire que de Constantine où se concevait la maquette par Samir Merdaci, à Alger où elle se concrétisait avec notre infographe Réda en passant par le service technique, celui de la correction, ce fut bel et bien une aventure collective pilotée avec la passion et la détermination que lui reconnaît la corporation par notre ami Hassen Bachir Cherif. La quatrième de couverture souligne ligne éditoriale que constitue La nuit rebelle... Il est coutumier en France de voir des ouvrages collectifs cosignés par des auteurs français et algériens. C'est le cas du bel ouvrage dirigé par Mohamed Harbi et Benjamin Stora : La Guerre d'Algérie. C'est, me semble-t-il, la première fois que l'initiative vient directement du champ éditorial algérien. On relève aussi l'importance des signatures algériennes... D'un mot, je voudrais rendre hommage à tous ces historiens algériens, qui, à la suite d'un Kaddache et à l'image d'un Daho Djerbal, d'un Hassen Remaoun, Mohamed El Korso, Fouad Soufi, Ouarda Tengour et j'en oublie sûrement, animent la réflexion historienne dans le pays et qui méritent une plus grande visibilité dans l'espace national. Deux mots clés pour conclure... J'ai la conviction que la seule connaissance de l'histoire autorisera un renforcement durable et crédible du lien national, notamment au sein des catégories juvéniles. C'est une œuvre de longue haleine qui continue d'avoir contre elle le poids des liturgies accréditées, des mystifications et des censures. Cette œuvre convoque toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, tous ceux qui demeurent attachés aux valeurs de libération et de liberté telles que consignées dans la proclamation du 1er Novembre. Pour les deux mots, j'aimerais paraphraser la fulgurante réponse du poète Jean Cocteau qui répondait que si sa maison prenait feu, c'est d'abord le feu qu'il sauverait. Dirais-je alors que c'est l'esprit de rébellion des jeunes hommes de Novembre que je voulais saluer à travers cet ouvrage.