Ce n'est certainement pas en fermant la porte devant la liberté de la presse et en mettant en prison les meilleurs de nos journalistes que l'Etat obtiendra la stabilité nécessaire au développement économique. Surtout lorsque la justice est saisie par un agent de l'Etat quel que soit son rang dans la hiérarchie administrative !La liberté de la presse est un enjeu fondamental de l'environnement démocratique nécessaire à la mobilisation des citoyens vers le progrès et la prospérité. Il faut également rappeler que la liberté de la presse est le meilleur outil de lutte contre la corruption, en période de transition, lorsque les institutions spécialisées ne sont pas encore opérationnelles. Le mahatma Gandhi disait : « L'un des objectifs de la presse est de comprendre les sentiments de la population et de s'en faire l'écho ; un autre est d'éveiller en elle des sentiments louables ; un troisième est d'exposer sans crainte les défauts dont elle souffre. » C'est clair, l'Etat doit s'engager à permettre à la presse d'exposer sans crainte les défauts… de comprendre les sentiments de la population… d'éveiller en elle des sentiments louables… Est-ce ce chemin qui est suivi lorsqu'on emprisonne des journalistes dans une affaire les opposant à un agent de l'Etat ? On commence de plus en plus à comprendre que « le développement peut être appréhendé comme un processus d'expansion des libertés réelles dont jouissent les individus ». Amartya Sen, prix Nobel d'économie, disait : « On n'a jamais déploré de famines dans un pays indépendant doté de structures démocratiques et d'une liberté - même relative - de la presse. Les famines sont associées aux royaumes traditionnels dans l'histoire et aux sociétés autoritaires dans le monde contemporain ; aux communautés tribales primitives et aux dictatures technocratiques ; aux économies coloniales soumises aux puissances impérialistes occidentales et aux nouveaux Etats indépendants du Sud qui sont placés sous le régime de despotes ou de partis uniques. Elles n'apparaissent jamais dans un pays indépendant où des consultations électorales sont organisées, où des partis d'opposition expriment leurs critiques et où la presse rend compte de la situation et peut mettre en cause le bien-fondé des orientations gouvernementales sans subir une censure excessive »… et d'ajouter : « Aujourd'hui, pour la planète tout entière, le défi politique ne se réduit pas à remplacer des régimes autoritaires par la démocratie. La tâche va bien au-delà : elle consiste à faire fonctionner la démocratie pour des gens ordinaires. » Face à ce qui arrive à nos deux journalistes d'El Watan, n'est-on pas en droit de poser l'hypothèse d'une corrélation bien établie, dans le cas de l'Algérie, entre son classement à la 129e place pour la liberté de la presse et son classement à la 103e place en ce qui concerne l'indice de développement humain ?