Dans le no 30 de juin 1997 du Bulletin d'information de l'Association des Amis de Max Marchand, Mouloud Feraoun et de leurs compagnons, il livre son témoignage dont voici quelques extraits : « Nous attendions chaque jour la visite d'Amirouche, le seul qui pouvait décider de notre libération. Le 29 décembre après-midi (1958), le chef du camp nous ordonna de plier nos couvertures et de rectifier notre tenue. Quelques minutes après, Amirouche entrait dans notre baraque. Nous nous levâmes. Amirouche salua militairement. C'était un homme assez grand, sec, dont les traits marqués reflétaient la force de caractère. Il portait l'uniforme, pantalon et blouson de drap, bonnet de laine kaki, une carabine américaine était accrochée par la bretelle à son épaule. Tous les civils avancèrent au centre de la baraque et firent cercle autour d'Amirouche. Celui-ci en fort bon français, demanda à chacun de nous des précisions sur son état-civil, son domicile, les conditions de son arrestation. La façon dont il menait cet interrogatoire montrait qu'il était au courant de tout ce qui nous concernait. Je demandai si notre captivité devait se prolonger encore longtemps. Nous prendrons des renseignements sur vous tous et, s'ils sont bons, nous aviserons. Notre camarade Raymond demanda des précisions sur le sort des militaires. La Croix-Rouge internationale ne peut toujours pas pénétrer en Algérie. Ecrivez à vos familles et demandez-leur de faire des pétitions auprès de votre gouvernement. …. Le soir, les lettres furent ramassées. …Une fois libérés, j'appris que sur les six lettres que j'avais écrites, trois étaient parvenues à ma femme et une à l'un de mes oncles. Nous espérions une autre visite : celle du médecin du secteur. Dernier arrivé, j'étais le seul à ne jamais l'avoir vu. C'était un homme d'environ quarante-cinq ans, grand et fort, portant lui aussi l'uniforme kaki et le bonnet de laine. Une de ses manches était ornée d'un brassard blanc décoré d'un Croissant Rouge (je sus par la suite que le « toubib » était représentant, dans la wilaya III du Croissant-Rouge algérien). Il avait fait ses études en métropole. Héros de la Résistance française, il s'était battu dans le Vercors, il connaissait bien le Dauphiné et la Savoie…. Le lundi 11 mai, Mira (Abderrahmane) en grande tenue entra dans la baraque et nous parla en ces termes : Ca y est les gars, j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer : dans une semaine, vous serez libérés. Nous vous remettrons, civils et militaires, entre les mains de la Croix-Rouge internationale… Le samedi 16, vers 14 heures, le médecin arriva, accompagné d'un lieutenant, secrétaire de la wilaya, et d'un infirmier. Le toubib fit tomber nos chaînes : nous étions des hommes libres ! L'instant d'après, nous avions revêtu les vêtements neufs que l'infirmier avait apportés. Le secrétaire de la wilaya rendit à chacun l'argent qui lui avait été confisqué lors de son arrestation et promit de nous faire parvenir nos papiers à l'étape du lendemain, ce qui fut fait. Quelques heures après, une section de djounoud arriva au camp : c'était notre escorte…. »