Les blouses blanches (infirmiers) ont répondu favorablement au mot d'ordre de grève lancé par leur syndicat. Le SAP estime le taux de suivi à plus de 90% à l'échelle nationale. Tous les hôpitaux du pays étaient paralysés hier et ils le seront encore aujourd'hui et demain, promettent les initiateurs de ce mouvement de trois jours. De l'hôpital Maillot en passant par Ben Aknoun, Kouba jusqu'au Chu Mustapha Bacha, la grève des paramédicaux se fait lourdement sentir. L'entrée principale de ces établissements sanitaires est ornée de banderoles revendicatives. « Nous faisons grève pour la dignité », « Nous exigeons de la considération », « Nous demandons un salaire décent »... Ce sont là certains des slogans inscrits en rouge sur les grandes banderoles blanches. Même si le service minimum est rigoureusement respecté, les grévistes ont tenu à rendre visible et audible leur protestation en observant des sit-in et des rassemblements dans les cours des hôpitaux. Selon le Syndicat algérien des paramédicaux (SAP), la grève des infirmiers a été hier un succès. M. Ghachi, porte-parole de cette organisation syndicale, a indiqué à ce propos que près de 90% des paramédicaux algériens ont réagi favorablement au mot d'ordre de grève. « Ce débrayage, deuxième du genre, paraît avoir été mieux préparé et mieux coordonné que celui tenu les 17, 18 et 19 du mois dernier. » Le SAP, selon notre interlocuteur, n'a négligé cette fois-ci aucune étape et a veillé à mener une action légale. Dans ce contexte, un préavis de grève a été déposé il y a une semaine auprès des institutions concernées. Les intimidations de la tutelle, le comportement négatif des pouvoirs publics n'ont fait que renforcer la détermination de ces paramédicaux. « Nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout. Notre mouvement de protestation ne s'arrêtera pas. L'indifférence de la tutelle et du gouvernement nous pousse à radicaliser notre mouvement de protestation. Nous n'avons rien à perdre », a soutenu un membre de cette organisation autonome. Agréé en 2004, ce syndicat tente par toutes les voies et tous les moyens de défendre son créneau. Toutefois, cela demeure une tâche très complexe et difficile dans un pays où les pouvoirs publics « craignent l'émergence d'une véritable organisation syndicale représentative et non un syndicat de maison », expliquent les militants du SAP. Dans la cour de l'hôpital Mustapha Bacha, à Alger, les infirmiers portant une petite inscription « Paramédical en grève », discutent de leurs préoccupations. La déception et le ras-le-bol sont palpables. « Nous travaillons dans des conditions lamentables. Nous sommes sous pression. Etant donné la charge de travail, il nous arrive même de sacrifier nos congés et en fin de parcours, on nous refuse le titre de professionnel de la santé. C'est de la hogra et du mépris envers notre secteur », s'exclament-ils en déplorant le fait que le corps des paramédicaux est délaissé. « Nous n'avons jamais bénéficié d'une formation continue, est-ce que vous trouvez cela normal ? », lance un infirmier qui a énuméré la longue liste des injustices faites à l'égard des paramédicaux. « Nous subissons les maladies professionnelles, les insultes et les pressions alors que les salaires qu'on nous donne sont dérisoires. C'est à peine s'ils nous permettent de subsister et non pas de vivre. Nous avons l'impression de demander l'aumône alors que dans un pays qui se respecte, les travailleurs doivent être rémunérés à leur juste valeur », regrettent les infirmiers qui relèvent l'absence de primes, de moyens de protection contre les risques de contagion. « Non seulement nous sommes très mal payés, mais en plus, il y a une différenciation qui n'a pas lieu d'être entre des paramédicaux qui ont le même nombre d'années d'expérience, le même diplôme et les mêmes compétences. Certains touchent la prime d'intéressement et d'autres, pour des raisons obscures, n'y ont pas droit », s'indignent les syndicalistes. Selon les paramédicaux, la nouvelle grille des salaires ne va rien changer à leur situation. « Si on est arrivé à la grève, c'est que rien n'a été appliqué », nous dit-on. « Les catégories ont été revues à la baisse. Alors que nous étions classés à la 14, nous sommes aujourd'hui à la 10e catégorie », expliquent nos interlocuteurs. « Même si je bénéficie de la prime d'intéressement et celle de contagion, mon salaire atteint difficilement les 21 400 DA. Et ce, après plus de quinze ans de service et une classification au 5e échelon », nous dit M. Ghachi. A travers cette grève de trois jours, suivie massivement dans tous les secteurs sanitaires à l'échelle nationale, le SAP rejette dans le fond et dans la forme le statut provisoire dont ils ont été destinataires. « Le ministre du Travail a clairement déclaré qu'il n'y aura aucune augmentation avant la finalisation des statuts particuliers. Nous voulons que cela soit appliqué. Mais nous nous interrogeons sur l'arrière-pensée politique d'une telle démarche. Pourquoi un statut provisoire pour les paramédicaux ? Pourquoi cette célérité dans son application », s'est interrogé M. Ghachi qui demande aux pouvoirs publics de réviser leur stratégie envers la corporation.