La grève des infirmiers a fait un carton plein hier, si l'on en croit le Syndicat algérien des paramédicaux (SAP). L'un des représentants du syndicat, M. Ghachi, avance que près de 90% des paramédicaux algériens ont réagi favorablement au mot d'ordre de grève. « Tous les hôpitaux du pays étaient paralysés hier et ils le seront encore aujourd'hui et demain », nous a-t-il affirmé. De son côté, le ministère de la Santé a usé d'un ton menaçant auprès des grévistes. Dans plusieurs wilayas du pays, les protestataires ont reçu un fax leur signifiant que la grève de trois jours était « illégale ». « Malgré les intimidations de la tutelle, notre mouvement de protestation ne s'arrêtera pas. En envoyant ce fax, ils ont fait une erreur, car ils ont renforcé notre détermination », a estimé M. Ghachi. Et d'ajouter : « S'il y a une ponction sur salaire, nous lancerons trois autres jours de protestation. » Nous ne sommes même plus des infirmiers diplômés d'Etat, nous sommes considérés comme de simples farmli, si vous saviez comme les paramédicaux ont horreur de ce mot. » Dans la cour de l'hôpital Mustapha Bacha, à Alger, les infirmiers en blouse blanche portant une petite inscription « Paramédical en grève », discutent de leurs problèmes. Le ras-le-bol y est palpable. « Nous travaillons dans des conditions catastrophiques. Nous sommes sous pression. La charge de travail est tellement importante que même nos congés sont sacrifiés. Nous ne sommes pas des robots. Le comble, c'est que lorsqu'on tombe malade, il n'y a personne pour nous prendre en charge », s'exclament-ils. Il semble que les anciennes blessures ne sont pas encore guéries. Les infirmiers du Centre Pierre et Marie Curie (CPMC) se souviennent encore du cas tragique de l'un de leurs anciens collègues, aujourd'hui décédé, et qui n'a même pas trouvé une ambulance pour l'emmener à l'hôpital. « Toutes les 48 heures, les autres membres du personnel médical vont aux Etats-Unis pour des formations pendant que nous bouffons de la Chémio. Pourquoi n'avons-nous pas droit à une formation continue ? », s'énerve l'une des infirmières en grève. Une autre ajoute : « Nous subissons les maladies professionnelles, la pression, les insultes. Les salaires qu'on nous donne ne suffisent pas pour vivre. C'est à peine s'ils nous permettent de subsister. On dirait que c'est de l'aumône qu'ils nous donnent. On ne peut pas dire que nous travaillons pour gagner notre croûte, nous trimons ! » Dans les jardins de l'hôpital, tout y passe. Les protestataires pestent contre le fait de placer « des personnes sans diplômes à la tête des services », l'administration qui « se contente de refaire la peinture et la faïence au lieu d'améliorer les conditions de travail », « l'insécurité dans les services » et surtout « le manque de protection contre les maladies ». « Je suis infirmière dans le service d'oncologie (service de soins en cancérologie), c'est un service à haut risque. Je suis confrontée à un grand risque de contagion. Pourtant, je ne bénéficie d'aucune forme de protection. Il n'y a pas de prime de risque. Je ne peux bénéficier d'un congé de contagion. Si un malheur survenait, je n'aurais que mes yeux pour pleurer. Nous n'avons même pas le droit de réclamer quoi que ce soit. Nous sommes traités comme des minables », s'indigne-t-elle. Dans ce brouhaha, un professeur du Centre Pierre et Marie Curie s'avance vers le groupe de contestataires pour leur apporter son soutien. « Dans un hôpital, il n'y a pas de personnel, tout le monde a sa place. Sans l'infirmier, toute la chaîne est chamboulée. Il faut se battre pour l'équipe soignante », assène-t-il. Un radiologue se plaint de la « différenciation » qui existe entre les paramédicaux ayant les mêmes références. « Non seulement nous sommes très mal payés, mais en plus, il y a une différenciation qui n'a aucun lieu d'être entre des paramédicaux qui ont le même nombre d'années d'expérience, le même diplôme et les mêmes compétences. Certains touchent la prime d'intéressement et d'autres, pour des raisons obscures, n'y ont pas droit », explique-t-il. Et de poursuivre : « Nous ne bénéficions pas non plus des primes de transport et de panier. Ce qui est bizarre. » Selon les paramédicaux que nous avons interrogés, la nouvelle grille des salaires n'a rien changé à leur situation. « Si on est arrivés à la grève, c'est que rien n'a été appliqué », nous dit-on. « Les catégories ont été revues à la baisse. Alors que nous étions classés à la 14, nous sommes aujourd'hui à la 10e catégorie », expliquent nos interlocuteurs. « Même si je bénéficie de la prime d'intéressement et celle de contagion, mon salaire atteint difficilement les 21 400 DA. Et ce, après plus de quinze ans de service et une classification au 5e échelon », nous dit Gueddou Hanafi, représentant du syndicat des paramédicaux à Sétif. Le ministère de la Santé a envoyé hier au Syndicat algérien des paramédicaux (SAP) un fax leur signifiant que la grève de trois jours était « illégale ». Dans les hôpitaux, hier en fin d'après-midi, le doute commençait à s'installer…